Il est certains lieux où les délices terrestres
Semblent être du Paradis les suaves prémices.
Compère Bœuf et Maître Coq à sa senestre
Présidaient d'une ferme les annuels comices.
C'était une métairie attenant au Cloître
Et que les bons moines gouvernaient avec sagesse,
Tant, que sa prospérité ne fit que croître.
Les animaux étaient nourris avec largesse
Et aucun, de mémoire, n'eut lieu de se plaindre
D'un mauvais traitement, tandis que d'autres bêtes,
À ce que l'on rapporte, ne sont point à la fête,
Ayant de la noirceur des âmes tout à craindre
Quand elles sont inféodées aux raisons cupides
Qui rendent le monde absurde et les hommes stupides.
Blason du District de Kostromskoy (Russie)
Quand le coq parla des élevages intensifs
Où les poules étaient serrées comme sardines en boîte,
Le moral de l'assemblée devint dépressif.
Le bœuf évoqua les stabulations étroites
Où les vaches entravée pouvaient à peine bouger.
L'on s'indigna devant de si cruels régimes
Où les pauvres bêtes se retrouvaient encagées.
Ses propres peines parurent à chacun bien minimes
Et tous louèrent les bons moines, autant que le Ciel
D'êtres traités en cette ferme comme de vraies personnes
Et fort préservées de l'enfer industriel.
Maître Renard, qui fut au Cloître recueilli, *
Prit la parole : « Avant que l'angélus ne sonne,
Je me veux, au sujet des hommes, dire cette saillie :
Blason du District de Liskinsky (Russie)
Les hommes, toujours à la recherche de sensations
Nouvelles pour se donner une intérieure ivresse
Mais n'y trouvant à peine que la compensation
D'une courte euphorie qui éponge leur sécheresse.
Les hommes, si empreints d'une raison qu'ils attribuent
Au hasard dont ils font leur acte de naissance,
Se lamentant d'un monde auquel ils contribuent,
Sans avoir pour leur vie aucune reconnaissance ;
Prompts à voir le mal partout plutôt que le bien,
S'affligeant des effets dont ils chérissent les causes
Et s'étonnant d'être l'arroseur qu'on arrose.
Se donnant pour leurs plaisirs un mal de chien
Sans même qu'ils emplissent de vraie joie leur existence ;
Se fuyant, toujours vers un ailleurs en partance. »
Nouvelles pour se donner une intérieure ivresse
Mais n'y trouvant à peine que la compensation
D'une courte euphorie qui éponge leur sécheresse.
Les hommes, si empreints d'une raison qu'ils attribuent
Au hasard dont ils font leur acte de naissance,
Se lamentant d'un monde auquel ils contribuent,
Sans avoir pour leur vie aucune reconnaissance ;
Prompts à voir le mal partout plutôt que le bien,
S'affligeant des effets dont ils chérissent les causes
Et s'étonnant d'être l'arroseur qu'on arrose.
Se donnant pour leurs plaisirs un mal de chien
Sans même qu'ils emplissent de vraie joie leur existence ;
Se fuyant, toujours vers un ailleurs en partance. »
Marc
* Lire In extremis
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