vendredi 3 août 2018

Les plantes qui nourrissent : les céréales



Henri Coupin (1868-1937) fut un botaniste, attaché à la chaire de botanique de la Sorbonne. Ses livres de vulgarisation ont connu un énorme succès. En 1904 paraît Les plantes qui nourrissent - Les plantes qui guérissent - Les plantes qui tuent. Cet ouvrage de référence - un classique - contenant 12 planches en couleurs, se veut éducatif et contribue alors efficacement à la progression de ce domaine peu exploité.


1. BLÉ (Triticum sativum)


De toutes nos plantes alimentaires, la plus importante est de beaucoup le blé qui, par sa farine et le pain qu’elle sert à fabriquer, constitue la base de notre nourriture. Chaque année, nous en consommons plus de 110 millions d’hectolitres. En France, la production moyenne est de 15 à 16 ½ hectolitres par hectare, ce qui donne environ en tout 98 millions d’hectolitres. Nous sommes obligés, pour compléter la quantité nécessaire, de nous adresser à l’étranger, surtout à la Russie et, à un moindre degré, aux Etats-Unis et à la Roumanie. En outre de son grain, le blé nous donne sa paille si employée pour l’alimentation des bestiaux. On distingue dans les blés de nombreuses variétés, dont les principales sont les suivantes : 1° les Blés ordinaires ou tendres, les plus répandus. Ceux du nord et du nord-ouest sont généralement dépourvus de ces longs poils qui forment la «barbe». Ceux du midi et des montagnes sont choisis de préférence « barbus », parce qu’ils résistent mieux à l’action du vent et au bec des oiseaux. Les uns ont le grain blanc, d’autres le grain rouge. Les uns se sèment de manière à passer l’hiver (blés d’hiver), les autres ne sont semés qu’au printemps (blés d’été) ; 2° les Blés poulards, à paille grosse, renflée aux nœuds, les épis très gros et barbus, les épillets très rapprochés, le grain court et renflé ; 3° les Blés durs, au grain allongé, pointu, de consistance cornée, habitués aux pays chauds ; 4° les Blés de Pologne, au grain allongé, dur, glacé, aux glumes énormes ; 5° les Epautres, à l’épi long, dont les épillets sont bien distants les uns des autres, au grain petit, aplati, à écorce fine, riche en amidon, à paille très creuse et très mince, particulièrement cultivables dans les terres maigres des pays de montagnes ; 6° les Amidonniers, dont les caractères sont les mêmes que ceux des Epautres, mais dont le grain est à navette, et dont l’abondance en amidon les faisait employer autrefois exclusivement dans l’amidonnerie ; 7° les Engrains, au grain très effilé, aplati aux deux bouts et que leur rusticité permet de cultiver dans les plus mauvaises localités des montagnes.



Le blé ne pousse bien que dans des sols assez consistants, sans être compacts, perméables et profonds. Il ne donne de bons rendements que dans les terres fertiles et exige notamment un peu de calcaire et beaucoup d’acide phosphorique.

Les grains de blés, moulus, donnent la farine et le son, celui-ci étant constitué par la peau du grain et de quelques bribes de farine qui y adhèrent. Avec 100 kilogrammes de grains, on obtient environ 70 kilogrammes de farine et 22 kilogrammes de son ; le reste se perd. Avec 100 kilogrammes de farine, on fabrique de 130 à 145 kilogrammes de pain, la différence des poids tenant à la quantité d’eau qu’on y ajoute. Les grains sont enveloppés dans l’épi, de petites feuilles sèches et plus ou moins barbulées qui constituent les balles : celles-ci peuvent être données en nourriture aux herbivores ; elles sont plus nutritives que la paille.


2. SEIGLE (Secale cereale)


Le seigle est une céréale connue depuis la plus haute antiquité : les Gaulois connaissaient déjà ses mérites pour l'utiliser dans les régions déshéritées. Dans les montagnes, il pousse là où le blé ne peut plus vivre. Il est aussi plus élevé que ce dernier, ses épis sont plus longs et ses grains plus pointus et facilement égrenables, parce que, à la maturité, ils sont incomplètement recouverts par la balle (glumes et glumelles). Il demande un sol léger, souvent fumé avec du fumier ou des engrais riches en acide phosphoriques et en potasse. Le rendement est d’environ 12 à 13 hectolitres par hectare, exceptionnellement de 25 à 30 hectolitres ; la récolte se fait en juillet et on bat les épis sur un chevalet pour détacher les grains sans abîmer la paille. 


Le seigle est sujet à une maladie causée par un champignon, le claviceps purpurea, qui attache les grains, les fait grossir et sortir, comme une corne de l’épi, ce sont les ergots de seigle, employés en médecine. Le grain est très employé dans l’alimentation des animaux. L’homme en fait aussi un pain bis qui convient bien aux personnes constipées, mais est d’une digestion un peu plus difficile que le pain de froment. Le pain d’épices est fait avec de la farine de seigle mélangée à du miel et à diverses substances aromatiques. La paille sert à faire des liens, à couvrir les habitations et à empailler les chaises ; jeune, elle est mangeable par les bestiaux, mais elle devient rapidement dure et peu savoureuse.


3. MAÏS (Zea maïs)


Le maïs est originaire d’Amérique ; il est aujourd’hui largement naturalisé chez nous. Il diffère des autres graminées, d’abord par sa grande taille, ensuite en ce que les fleurs mâles et les fleurs femelles sont séparées. Les premières (a) sont disposées au sommet du pied en plusieurs épis grêles et longs. Les secondes sont disposées sur les côtes du pied (b) et enveloppées à plusieurs endroits par plusieurs petites feuilles : quand elles sont très jeunes, on voit sorti au bout de cette sorte de bourgeons, de longs filaments, qui ne sont autres que des stigmates. A la maturité, l’épi femelle grossit et apparaît sous la forme d’un long mandrin (c) sur lesquels les grains sont disposés avec une régularité remarquable. Les grains sont volumineux, de couleur généralement jaune ; leur intérieur est corné et farineux.

Le maïs demande des sols profonds et bien cultivés. Dans le nord, il préfère les terres sableuses. Dans le midi, il se développe mieux, au contraire, dans les sols plus compacts, par exemple les alluvions profondes à base de calcaire.



Certaines variétés sont cultivées pour être mangée en vert par les bestiaux : ce sont les maïs fourragers. D’autres ne sont récoltées qu’au moment où les grains sont bien mûrs ; ceux-ci constituent une bonne alimentation pour les bœufs de travail, les vaches laitières et les moutons, moins bonne pour les chevaux. Ils font engraisser rapidement les volailles auxquelles on les donne.

La farine de maïs est riche en matières grasses, ce qui fait sans doute qu’elle ne se conserva pas. Elle ne « lève » bien que lorsqu’on y ajoute au moins un tiers de farine de froment. C’est avec elle que l’on fait le polenta, le met national des Piémontais ;

En pharmacie, on utilise les stigmates du maïs : c’est un excellent diurétique.


 
4. RIZ (Oryza sativa)

Le riz est la céréale des pays chauds. En Asie, notamment, il constitue la base de l’alimentation d’innombrables peuplades : les Chinois, les Annamites, les Japonais, les Hindous s’en nourrissent presque exclusivement. En France, on le cultive dans la Camargue, mais c’est là une simple curiosité.

Le riz exige un sol humide ou marécageux, ou tout au moins susceptible d’être inondé à volonté. Les rizières doivent être inondées tout l’été d’eau courante ; elles doivent donc être horizontales. Sur le flanc des montagnes, elles sont souvent de configurations très bizarre et de très petite dimension ; des murs de terre les soutiennent et permettent de conserver une mince couche d’eau suffisante pour baigner les racines et le pied du riz, sans toutefois être assez épaisse pour en faire pourrir la tige ; Les ruisseaux, pris à leur naissance, passent d’un champ dans l’autre, jusqu’au moment où ils sont devenus trop volumineux ; on le ramollit et on l’amollit à l’aide de la charrue, du piétinement des buffles, attelés à un instrument de labour, et des coups de bêches des cultivateurs chargés de détruire les dernières mottes récalcitrantes. On obtient ainsi une sorte de pâte liquide dans laquelle les hommes et les femmes jettent le grain à pleine main, du haut des digues. Quand le riz a levé et a acquis un certain développement sur les terrains desséchés, qui jouent le rôle de pépinières, on l’arrache et on le replante, non au hasard cette fois, mais régulièrement, suivant un certain ordre, dans d’autres carrés de terre, préparés comme les premiers ; il s’y élève par touffes séparées. La moisson a lieu au mois de novembre ; les paysans entrent dans l’eau et coupent les tiges au pied avec les faucilles, en ayant soin de les grouper en gerbes et de les placer ensuite sur les petits murs de séparation ou dans les endroits secs. Ces gerbes, liées à la base, sont ensuite suspendues au soleil, à cheval sur des bâtons horizontaux, dans le voisinage des habitations. Après la récolte, lorsque les gerbes sont complètement sèches, on les soumet à une sorte de peignage, en les tirant entre des dents de fer, qui sont suffisamment écartées pour laisser passer la paille, mais qui retiennent les grains en les détachant de l’épi (G. Marcel).



Le riz cuit de diverses façons constitue un excellent plat, aussi bien comme potage et légume que comme dessert. Sa digestion est des plus faciles. Dans plusieurs pays on le fait fermenter pour obtenir une boisson alcoolique (saki, arrak, samchoou, raki, etc.).

La paille est excellente pour faire des vêtements contre la pluie, des sandales, des nattes, des chapeaux. Réduite en pulpe elle donne un fin papier.


 
5. SARRASIN (Fagopyrum sativum)

Malgré son nom vulgaire de Blé noir, le sarrasin n’appartient pas à la famille des graminées, mais à celle des Polygonées, c’est-à-dire d’une famille où les fleurs sont colorées ; ici elles sont roses (b), souvent blanches, quelquefois verdâtres. Le grain (c) a la forme d’une pyramide à trois pans : ses angles sont aigus ou un peu émoussés ou onduleux. C’est une plante très sensible à la gelée, que l’on cultive surtout en Bretagne ou en Bresse. Elle préfère les terres fraîches et, si la sécheresse ne vient pas l’entraver, acquiert tout son développement en trois mois. La récolte se fait en août ou septembre. Le rendement moyen est 20 hectolitres à l’hectare.

Le grain renferme beaucoup de farine ; on en fait un pain noir, gras et indigeste. En Bretagne, on se sert énormément de la farine pour fabriquer des bouillies et des galettes. On donne aussi souvent les grains aux volailles. La plante verte sert de fourrage vert. Enfin les abeilles visitent beaucoup les fleurs de sarrasin et le miel qu’elles accumulent acquiert de ce fait une saveur particulière qui, même, n’est pas à recommander.


6. AVOINE (Avena sativa)


Cette céréale est facilement reconnaissable à ses épillets qui, au lieu d’être disposés en épis, sont attachés isolément et pendants à l’extrémité de petites tiges flexibles, de manière à former une panicule. On distingue surtout quatre variétés : 1° l’avoine noire de Brie, très estimée dans les environs de Paris, à panicule forte, bien garnie de fleurs ; les deux grains du même épillet sont souvent le même volume, ce qui fait qu’elle est encore désignée sous le nom d’avoine double ou fourchue. Les avoines de Houdan, de Beauce, de Soissons, sont des sous-variétés ; 2° les avoines grise ou noire de Bretagne sont des variétés d’hiver ; elles se sèment à l’automne ; elles sont très cultivées en Bretagne, dans le Maine et la Beauce (avoine d’hiver de Beauce) ; 3° Avoine blanche de Géorgie : c’est le type de toutes les avoines à grains blancs, à panicules lâches, ce sont des avoines de printemps. L’avoine blanche de Russie s’y rattache, de même les variétés dites avoine jaune de Flandre, avoine des Salines ; 4° Avoine orientale de Hongrie, facilement reconnaissable aux pédoncules très courts de la panicule, rangés du même côté, formant une sorte de grappe, d’où elle a tirée son nom d’avoine à grappes ou d’avoine unilatérale.

C’est une céréale des pays tempérés ; elle supporte aussi bien les grands froids que les grandes chaleurs. Elle est peu exigeante sur la nature du sol et, à part un labour, pousse presque sans culture. On sème les avoines d’hiver en septembre et les avoines de printemps en février ; ces dernières sont les meilleures. « Avoine de février remplit le grenier », disent les paysans.

L’avoine en grains est la meilleure nourriture pour les chevaux qu’elle excite. Elle réussit bien aux moutons à l’engrais, aux agneaux nouvellement sevrés, aux vaches dont elle augmente le lait, aux oiseaux de basse-cour qui engraissent rapidement.

Le grain, broyé au moulin, donne le gruau d’avoine, dont, en Normandie et en Bretagne, on fait des potages de digestion facile.

Les balles de l’avoine servent à rembourrer les matelas et les oreillers des enfants.


7. ORGE (Hordeum distichum)


Les orges sont caractérisées par leur inflorescence, qui n’est pas un épi composé comme le froment, mais un épi de cymes. L’axe central ondulé est constant, mais la disposition des épillets est variable ; ils sont réunis par trois dans chaque dent du rachis. Les glumes sont très étroites, les glumelles très grandes et l’inférieure longuement aristée dans les fleurs fertiles ; c’est ce qui constitue les barbes d’orge. Le fruit est le plus souvent soudé avec les glumelles ; quelquefois cependant il est nu. Suivant le nombre de fleurs fertiles dans chaque épillet, on distingue des orges distiques (à deux rangs) et des orges hexastiques (à six rangs). Dans les orges hexastiques, si les épillets médians restent plus petits que les latéraux, on a l’orge commune ou l’orge canée. L’orge est la céréale cultivée entre les limites géographiques les plus étendues ; on la trouve à Lulea par 67° de latitude nord où elle peut mûrir en 60 jours ; en Afrique, elle résiste mieux que l’avoine à la sécheresse, et elle est utilisée pour la nourriture des chevaux. L’orge vient à peu près sur tous les terrains, pourvu qu’ils soient sains, profonds et substantiels. En terrains humides et acides, les rendements ne sont jamais bien élevés. Comme les orges de printemps parcourent vite leurs phases de végétations, il faut donner des engrais bien appropriés et vite assimilables. C’est une plante moins épuisante que le blé ; aussi, souvent, dans l’assolement triennal, la fait-on succéder à cette plante sans donner au sol une nouvelle fumure. L’orge est cependant une des plantes capables de payer amplement les fumures complémentaires qu’on lui accorde. Le choix des semences est très important ; il faut s’attacher à ne semer que des graines bien pures, bien jaunes, du poids de 65 kilogrammes pour les orges d’hiver et de 70 kilogrammes pour les orges de printemps. Il faut rejeter les grains bruns ou noirs ou piqués de points noirs à leur surface. Les orges d’hiver se sèment en septembre et en octobre. Au printemps on sème dès février quand la chose est possible. Quand les semailles sont tardives, l’orge monte irrégulièrement ; l’épiaison est alors moins bonne. L’orge se récolte sous le climat de Paris dans le courant de juillet ; les orges de printemps ne se moissonnent que dans le mois d’août. Le moment de couper est indiqué par la coloration particulière que prennent les tiges, par l’inclinaison de plus en plus grande des épis vers le sol, par la consistance des grains. Après la coupe, il faut lier aussi rapidement que possible, car les moindres pluies déprécient beaucoup la qualité du grain ; il devient, sous l’action de l’eau, terne, jaune soufre. Par le battage, les barbes sont parfaitement enlevées quand on soumet la céréale à l’action des machines perfectionnées, possédées par la grande culture (J. Tribondeau).




En France, il y a environ un million d’hectares cultivés en orge.

La farine de l’orge ne contient que peu de gluten ; aussi ne donne-t-elle qu’un pain lourd, de digestion difficile et désagréable au goût.

En médecine, on emploie la tisane d’orge comme adoucissant. On se sert surtout d’orge mondé, c’est-à-dire débarrassée de ses enveloppes. Si le grain est en outre débarrassé de son tégument propre, il devient un peu arrondi, il est dit alors perlé.

Le principal usage de l’orge est la fabrication de la bière. On fait subir aux grains un commencement de germination pour transformer une bonne partie de l’amidon en sucre. Puis on fait sécher au four pour avoir le malt. En traitant par l’eau, on obtient un jus sucré que l’on fait fermenter en y ajoutant de la levure de bière. Généralement, on y ajoute divers aromates et notamment du houblon. Après fermentation, on obtient de la bière.


8. MILLET (Panicum miliaceum)

Cette céréale, d’importance assez faible, est surtout cultivée dans le sud-ouest, l’ouest et l’est, à peu près dans les mêmes régions que le maïs. Elle ne réussit que dans les terres légères, notamment les sables siliceux des landes et les terrains granitiques de l’ouest ; il faut fumer les terres abondamment avant la culture. On sème en ligne, généralement en mai, à un moment où l’on n’a plus à craindre les gelées printanières, qui seraient fatales aux jeunes plantules. Les cultures doivent être sarclées avec soin. Le millet est susceptible de contracter deux maladies cryptogamiques, la carie et le charbon, mais leurs principaux ennemis sont les petits oiseaux qui sont très friands de leur grain et sont, par suite, très redoutables aux récoltes. La maturité se fait d’une manière très inégale, de sorte qu’il faut faire la récolte en deux ou trois fois. Ce sont généralement des femmes qui sont chargées de la récolte : elles passent dans les champs, coupent les panicules mûres avec des ciseaux et les mettent dans leur tablier. On attache les panicules au grenier et on les laisse sécher. L’égrenage se fait ensuite facilement avec le fléau. Les grains arrondis du millet servent surtout à l’alimentation des oiseaux ; dans quelques localités, on les utilise pour la nourriture de l’homme qui en fait des bouillis et des gâteaux.

On cultive aussi un autre millet, le Millet d’Italie (Setaria Italicum), dont l’inflorescence est un épi compact et long ; ses grains servent aux tout petits oiseaux de cages.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire