samedi 29 décembre 2018

Progrès


Blason de Vislanka (Slovaquie)


     Le rêve de notre civilisation fortement industrielle et technologique va devenir rapidement un cauchemar. Inventer des moyens encore plus raffinés et compliqués pour fabriquer ce que nous croyons être nécessaire est peut-être un « progrès » pour les scientifiques, mais c'est l'enfer pour les hommes et les femmes qui doivent se traîner jusqu'aux tristes lieux où l'on fabrique ces choses pour surveiller des cadrans et presser des boutons, et il est intolérable pour les ouvriers et les ouvrières, toujours plus nombreux, de s'entendre dire qu'ils sont « en trop ». Des êtres humains en trop ? La grand industrie a eu, depuis ces débuts, une forte tendance à considérer ses ouvriers comme de simples éléments de machine. Comme celle-ci, le travailleur devient juste un moyen pour une fin. Non, l'homme n'est pas un moyen ; il est une fin. Il est, sur cette terre, la fin pour laquelle toute production humaine doit être un moyen.

     Que les hommes se lassent d'une manière de travailler ennuyeuse, sordide et productrice de laideur, ou que les contraintes imposées par la raréfaction des ressources de notre planète mettent fin à la ruée gadarénienne* vers le bord de la falaise, en fin de compte, si le genre humain doit survivre à un niveau quelconque d'une vraie civilisation, l'artisan doit triompher.

     La seule vie intègre et heureuse possible, pour une femme ou un homme en ce monde, est celle dans laquelle le « travail » un honnête et noble travail – est la plus grande joie. Le loisir ? Oui, certes, mais il ne peut être une joie que si c'est un vrai loisir, c'est-à-dire celui laissé par le travail. L'oisiveté persistante – celle du désoeuvré – n'a rien à voir avec le loisir ; elle ronge et corrompt. Eric Grill, un bon artisan, a jadis écrit : « Le loisir est séculier, le travail est sacré. Le but du loisir est le travail, le but du travail est la sainteté. Sainteté signifie intégrité. »

John Seymour, Métiers oubliés, Éditions du Chêne, 1985


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