mercredi 22 avril 2020

Considérations post-traumatiques


Blason de Smallwood of Chelford (Cheshire, Angleterre, 16e-18e s.)


      Ma chère Mado, le peuple a longtemps cru à la fable de la démocratie. Il y croit toujours, d'ailleurs. N'est-il pas à récidiver à chaque élection ? Et la campagne qui la précède ne consiste-t-elle pas à donner de l'alcool à des alcooliques, si tu saisis ma métaphore ? En effet, voici des décennies que ce brave peuple se trouve Gros-Jean comme devant ; mais rien n'y fait : l'amnésie l'emporte finalement sur le mécontentement et ça vous balance de gauche à droite et de droite à gauche avec une constance quasi mathématique. Le système est donc bien huilé et ceux qui tirent les ficelles peuvent placer, à moindres risques, leurs bonhommes de part et d'autre de l'échiquier. Blanc ou noir, un pion reste un pion, n'est-ce pas ? À tous les coups, ce sont les mêmes qui gagnent et les mêmes qui perdent. Lors, ça valait bien la peine de couper la tête du roi !
      Tout d'abord, la guillotine s'est chargée d'égaliser tout ce monde ; ensuite, Napoléon les a envoyés sur les charniers de l'Europe, par centaines de milliers ; le 19e siècle bourgeois les enchaînera dans les mines et les usines pour y trimer comme des forçats ; le 20e siècle leur proposera d'aller se faire enterrer par millions dans les terres bourbeuses labourées par les obus ; vinrent les Trente Glorieuses qui les étourdiront dans la consommation, à coups de rock'n'roll et de chansonnettes yéyé, suivies par la crise pétrolière des années 70 qui permettra de combiner le marasme naissant et les politiques à la petite semaine, les mass-média vous cimentant tout cela, en vue de l'opération terminale : l'aspiration des cerveaux. Le résultat, tu le connais, même si dans ton ADN tu résistes encore à regarder les choses en face. Bon, je reconnais que ma synthèse est un peu à l'emporte-pièce ; pourtant, si j'écrivais une thèse sur la question, elle ne changerait pas les faits : la France est dans un piteux état.


La France est capable d'envoyer des soldats
Aux quatre coins du monde, notamment en Afrique,
Pour défendre des régimes plus que des états
Et, sous toutes cautions morales, la cause du fric.

La même n'est pas fichue de protéger les siens,
N'ayant pas à distribuer le moindre masque
Au commun des mortels traité en Béotien.
L'incurie est notoire, à la mesure des frasques.

Ils se sont pris à jouer au Monopoly,
Avec l'art consommé du mensonge pour seule science.
Ils ne sont pas gentils, pas justes, pas même polis
Et je ne suis pas certaine qu'ils aient une conscience.

Doulce France, te reconnais-tu dans ce miroir ?
Tandis que tu dormais d'un sommeil d'insouciance,
Une bande de gamins s'est emparée du pouvoir,
En qualifiant de fraîcheur son inexpérience.

La France s'est réveillée avec la gueule de bois,
Partagée entre l'hébétude et l'incroyance.
C'est jusqu'à la lie que ce vin tiré se boit.
Déjà s'annoncent les symptômes de la flatulence...

Le Spectre à trois faces

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