Prendre Dieu à témoin ne vaut rien dans ce monde
Qui ne croit pas davantage à Lui qu'au Diable,
Mettant sur un même niveau le sublime et l'immonde
Qui sont étalés pêle-mêle sur la même table.
Le bateau, qui n'a plus ni pilote ni boussole,
Se condamne lui-même au plus funeste destin.
De ce sombre horizon, les hommes se désolent,
Mais l'équipage ivre fait de piètres mutins.
« C'est la faute de l'autre et j'en suis la victime.
De m'en plaindre est mon droit le plus légitime. »
L'innocence est moins un état qu'une tentation.
Chacun des partis se prévaut d'une juste cause.
De fait, ce sont toujours deux raisons qui s'opposent,
Sans vouloir monter au point de conciliation.
* * *
Car après s'être joyeusement pourfendus,
L'un se retrouve tout nu et l'autre en culotte,
Sans qu'aucun à une raison ne se soit rendu,
Prêt à piquer encore si quelqu'un s'y refrotte.
Pourquoi se combattre au lieu de s'entendre ?
La paix est d'autant plus précieuse qu'elle est précaire.
Monter est plus difficile que de descendre,
Comme de se dissoudre plutôt que de s'abstraire.
Ce monde a toujours été une foire d'empoigne,
Les uns rouvrant les plaies que les autres soignent ;
Et ce siècle-ci est d'autant moins exemplaire
Qu'il était censée être plus civilisé.
Dans les faits, il est plutôt à s'archaïser
Et donc à hâter son destin crépusculaire.
Chroniques d'un monde finissant