Blason de Kurkino (Russie)
Quand la lumière chante l’implacable danse de la pluie, sur les toits et
tout au fond des bois; quand le grenier tremble de notre émerveillement
serein, vif, exalté ; quand je prends la main de petite sœur
et que la joie nous arrache presque des larmes effervescentes d’amour et
que tout nous semble d’une limpidité emphatique. Je n’ose prononcer le
seul mot qui pourrait briser l’émotion vive d’un bonheur diffus. Le rire
est la cascade d’une gloire méconnue et peu importe si nous ne savons
rien, peu importe si nous finirons ridés sur les plis incroyables du
temps, l’enfant ouvre les yeux d’amour et le père entre avec une
multitude de lumière, quelques brins de muguet et sa propre légèreté.
Nous dessinons dans la chambre, ma sœur et moi, des fleurs : le lilas qui
se penche, les gueules de loup au velours secret. Tous les noms que les
fées ont saupoudrés d’irréalité. Je m’évade dans les gouttelettes et je
rejoins le cœur pur qui m’attend, là-bas au bout du chemin. Nous
conversons longtemps et nous nous endormons avec la petite chanson du
mois de mai, les lanternes de notre sororité. Dans le rêve, je replace
une fourmi égarée sur son chemin, et j’admire, ça et là, les papillons
de nuit. Ils sont étonnamment secrets et je ne sache pas plus grande
hébétude devant les choses que nos yeux ont caressées. Entends ! C’est
encore la réalité éternelle du cœur ouvert. J’aimerais tout vous conter,
tout vous ensemencer de mots fluviaux qui parfument les pétales
pudiques de nos découvertes. Perdue en haut de la colline, mes yeux
rient. Jamais je ne t’oublierai, Ô Joie exaltée ! Ô Épanchement
! Ô Vibrations ! J’ai fait courir, sur la soie, les couleurs du pinceau
d’Amour et des pinsons de gaieté. La fauvette nous rattrape et nous
confie le doux secret. Ne l’avez-vous donc pas découvert, ce Mystère ?
Des petits cailloux égarés pour vous… Je ne reviendrai pas ; je ne reviendrai pas. Telle est ma joie !
Peinture de Vladimir Gusev
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