Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

vendredi 31 mai 2019

Discontinuité et impermanence (2)


 
Blason de Breil/Brigels avant 2018 (Canton des Grisons, Suisse)
 

Tout est relatif ; donc l'Absolu s'impose, par contrainte logique : c'est la Relation.
Tout est impermanent ; donc le Permanent s'impose, par contrainte logique : c'est le Mouvement, né d'une Volonté, qui est la Force créatrice et agissante d'une Intention.
Et d'où vient qu'il y ait une Intention ? Pourquoi et pour quoi ?
Pour Qui ?

Pourquoi quelque chose plutôt que rien ?
La question du sens naît de cette interrogation foncière qui est une stupeur.
La stupeur d'être. La stupeur de mourir, donc de disparaître. La stupeur de n'être plus.
La stupeur est étonnement.
En l'étonnement se cherche l'émerveillement. Désir inconscient de contemplation. 
Pure Joie d'être. 
C'est le destin de l'âme. L'origine et la finalité de la Création.

Dès lors que se pose la question du sens, il est un sens.
Le seul fait de l'être se considérant lui-même, par le jeu du questionnement, en révèle l'évidence.
La raison de vivre n'est jamais que la traduction ontique de cette crucialité ontologique, inhérente, impérieuse et incoercible, au-delà des postures idéologiques ou d'opinions, au-delà même des croyances.
 
Marc


jeudi 30 mai 2019

Digression (17)


Blason de Vícenice (Tchéquie)


Je t’ai cousu du fil tendu de mes larmes, je t’ai regardé des heures passées à la belle étoile et je ne t’ai jamais oublié du monde qui se déploie lors que c’est Lui qui à La Lumière de Son Chant m’a tirée de toutes mes négligences et m’a sortie de mes torpeurs. Je t’ai toujours aimé de Sa Présence et les mots qui dansent sur le clavier d’un piano sont les flux de mon âme que j’imprègne de mes croches noires et des touches blêmes de mes écorchures. Il n’est pour La Conscience, ni heure, ni jour, ni nuit, ni temps, ni enfant, ni adulte, mais présage d’une Réalité qui court sur les sentiers de nos déboires. Des frôlements du bleu lépidoptère, je suis Le Chemin qui compagne ma solitude, des vagues à Te trouver en ce toi, L’Autre. Quel est donc ce secret qui ouvre à mes perceptions La Complétude d’une Présence ? Oh ! Quel est donc ce réel de mes vœux qui sait en cette Apnée reconnaître La Parole de notre Âme, celle qui vient cogner jusqu’au bout des doigts ? Le Cœur est assiégé de Souveraineté royale et s’émeut du simple reflet tamisé par les clapotis d’un ruisseau, et je Te trouve en cette Proximité, et je veux encore boire à mes blessures impalpables qui murmurent sans discontinuité les mots de Ta douceur. Quel est donc le secret de L’Enfant qui répond à L’Appel en courant, le sourire au vent d’une Promesse inaltérée ? Dans le fourré, le renard s’est caché et je le surprends avec une note amusée. C’est bien toi en mon cœur qui bat, sublimité du Nom et à toutes ces choses effleurées de Ton occultation ! Tu viens comme de coutume et me dis : si l’âme est terrorisée des manquements à l’aube de l’innocence, sache que le démon n’entre jamais dans le cœur, et au crépuscule des heures, Le Jardin frémit encore de l’aspiration constante de L’Amitié.



Mai


 
Blason de Kilmez (Russie)

Parcourant les vastes plaines au goût de Ton Silence,
Lors que les yeux s’attardent sur La Cime sacrée,
Quelque chose nous enlace de Ton immensité.
Ce corps existe de par La Grâce de Ton Essence.

L’Âme survit au siècle, mais las, perd son innocence,
Tandis que le printemps mûrit tout hébété ;
De candeur, le ruisseau s’est alors exclamé :
Je m’unis aux floraisons de l’incandescence.

La Vie commence de n’avoir jamais fini,
Et de fougue, épouse chaque grain de la noble chair.
Tes mains qui l’ont pétrie me parlent de Ton Mystère.

En elle, je découvre toutes sortes d’allégories !
Ce sont les hirondelles de Mai qui me surprennent.
Leur joyeuse danse est aussi Le Trésor pérenne.

Océan sans rivage
 
 
L'Almanach du Jardin

mardi 28 mai 2019

Éco-tartufferie


Logo du Point Vert


L'on a beau jeu de défiler sur l'avenue
Pour dénoncer le réchauffement climatique,
Se pensant être d'une cause les premiers venus,
Tout en reconduisant la même gente politique

Dont nous savons bien qu'elle sert d'autres intérêts.
Il vaudrait mieux retourner à la campagne
Pour y vivre selon de plus simples décrets,
Quitte, même, à se retirer dans les montagnes

Lors que des choses de ce monde l'on a fait la somme
Et qu'il n'est plus grand-chose à attendre des hommes,
Quoique n'en gardant aucune amertume pour autant.

Vous militez pour la planète ? J'en suis fort aise.
Certes, la marche du monde est de cette cause l'antithèse,
Mais est-ce juste pour consommer mieux et plus longtemps ?

L'Abbé Théophile

 

D'esprit, à la rigueur


 
Meuble héraldique et pièce honorable : chaîne en orle

 
S'il est encore, çà et là, quelques hommes d'esprit,
Les hommes de l'Esprit, par contre, se font plus rares,
Et le peu qu'il demeure est tenu en mépris,
En ces temps où toute transcendance passe pour une tare.

Si les premiers ne dédaignent pas de se voir
Et de s'écouter dans les vitrines médiatiques,
Les seconds se tiennent à l'écart, tant du pouvoir
Où les raisons se sont assises sur toute éthique,

Que des forums où se joue l'humaine comédie
Et qui sont de toute vraie pensée la parodie.
Car que peut-il sortir de tout ce bavardage

Où des borgnes se veulent guider des aveugles,*
Masse servile qui tantôt bêle, tantôt beugle,
Mais sourde à la sagesse et à tous ses adages ?

L'Abbé Théophile

lundi 27 mai 2019

Désaveu


Blason d'Opatowiec (Pologne)


Ces souverains, ont-ils gardé toute leur jeunesse ?
Qu’ont-ils saisi et qu’emporteront-ils d’ici ?
Lors que La Lyre, du Ciel cherche encore La Promesse,
Que L’Archange attend L’Heure, il n’est plus qu’un sursis.

Je jette au loin tout votre monde et sans attendre
Sur le Sentier de La Vie, je scrute L’Inconnu.
De vos gestes, il ne restera qu’un goût de cendre ;
Il n’est aucune Gloire en votre monde déchu.

Désormais, j’emporte en moi la douce Empreinte.
Elle imprime en mon cœur le Signe fervent de Dieu.
De Lui je suis, et je retourne à Son Étreinte,
Tous, quoi que nous fassions, nous fermerons les yeux.

Rassemblez vos chiffres, comblez tous vos suffrages
Tandis que je vais, ivre, marcher sur Le Chemin.
Souvent, je vois l’oiseau troubler quelque bocage ;
Un papillon me donne les nouvelles de demain.

La Nature est un Cantique, la clameur d’une Ode.
Chaque jour, à vos immondes méfaits, Elle dit : non !
Mais vous n’entendez pas, et un grand malheur rode.
Par votre déviance, vous perdez jusqu’à Son Nom.

Océan sans rivage


Le Chant du Barde
Le Chant du Barde

Noblesse du cœur



Blason de Tartaras (Loire, Auvergne)
D’or à l’écusson ovale d’argent à la filière de sable, chargé d’une branche au naturel issant d’un croissant de gueules, accostée de deux étoiles du même en chef, ledit écusson soutenu de deux rinceaux de laurier de sinople, les tiges passées en sautoir, et surmonté d’un tourteau aussi de gueules, au cœur du même brochant en pointe sur l’écusson.

Ô Noblesse effusive sans cesse renouvelée à La Source des Ondes de Ta Majesté, lors que Le Ciel s’approche, à peine imperceptible et que le cœur semble surpris de Ta Bienfaisance. Ici, il n’est ni homme ni femme, Esprit comme au-delà, bien au-delà, lors que L’Océan atteint l’improbable rivage, mais n’est-il pas somme toute une Rencontre ? Depuis les lueurs précieuses de cette Nuit, La Seule, L’Unique, lors que L’Instant se concentre en La Présence : D’Elle est La Bonne Nouvelle, au cœur de L’Épousée. La douleur n’a de sens qu’en L’Abandon, et Ô Toi, quel est donc le meilleur des abandons si ce n’est l’exclusivité de La Bonne Opinion de Toi ? Combien les affres sont les douleurs qui au cœur remontent jusqu’aux lèvres tremblantes, et c’est dans cet enfantement que La Crucialité nous impose cette prodigieuse constance. Chevalier, ta nostalgie est grande, et ton cœur ruisselle des morsures de l’hiver. Il t’encercle des neiges immaculées qui te donnent au sursaut du corps. Combien de fois sur le tapis de la supplique, les étoiles s’assombrissent devant le feu de ton Amour ? Le cœur est disloqué au contact des ténèbres et tandis que L’Ami se tient droit, en sa parfaite neutralité, tu es à ressentir Sa Vigilance comme la poigne ferme d’un frère. Mon frère ! Mon frère, ne jamais désespère de Ton Seigneur ! Il tient de Sa Main puissante L’Anse. Au plus noir de l’épreuve, je L’ai vu. Il n’est pas un seul Jour où je ne L’entends dire : Je suis là. Mon cœur est alangui et souffre des venins de l’existence. Pourtant, Le sourire est La Béatitude de La Constance, Joyau de L’Espoir et de La Reconnaissance. Je ne sais que L’aimer. Fidèle à L’Amour, L’Amant nous enlace de Sa Miséricorde, et sans Elle, aucun Souffle ne vient donner au Noyau Sa Chaleur. Ô Vivant ! En cette Apnée, Les Cieux s’ouvrent et voici Le Chant du Chevalier. Son cœur poursuit les clapotis dansants d’un ruisseau. Les effluves du Jardin lui procurent onguents à ses plaies. Tantôt, J’ai entendu L’Alouette : elle me ramenait les nouvelles d’une autre Rive, mais voilà que soudain le Milan Royal fendit le Ciel de Ses Ailes majestueuses, lors qu’en ce mouvement, L’Éternité s’y était mue, exponentielle de Son Envol. Noble Ami, la mort est semblable au sourire qui touche enfin le ciel et Le Tout Rayonnant nous y accueille de L’avoir sincèrement accueilli…

La Mère veilleuse


Blason du District de Timashevsky (Russie)


Le Cerf enserre de sa force jusqu'au fond des bois
Les larmes d'une cabane dont la porte est restée close.
A l'Aube, tu vins pourtant en silence vers la Rose.
Sans doute le souvenir est Présence d'Autrefois.

Tu m'as confié ces secrets de ville, la luxure.
J'entends, mon Ami, le cri meurtri de ton Cœur.
J'entends même rugir les regrets de ta fureur.
Certes, est bien profonde et insidieuse cette morsure.

Tu es venu dans le Jardin ; c'était le soir ;
Le vent à peine soufflait, et c'est un corps d'argile
A l'Âme liée au Souvenir indélébile

Qui reçut La Grâce infinie de s'émouvoir
En cette Nuit obscure, lors que l'Âme voyageuse
S'assoit dans le noir et surprend la Mère veilleuse.

Océan sans rivage

Fleurs d’épine



Composition de l'auteur (d'après le blason de Dornsode en Basse-Saxe, Allemagne)


En ce jour printanier, je vois trois fleurs ici :
C’est la fleur du passé qui fleurit à sa guise,
Le temps lui appartient, la vie lui est acquise,
Elle qui des hasards n’est plus à la merci.

La fleur de l’avenir, un genre de souci,
Montre des tons changeants, comme mes entreprises ;
De ce joli printemps, d’autres fleurs sont éprises,
Mais celle-ci est sombre, et son fruit l’est aussi.

Or, la fleur du présent, c’est celle de la vigne
Sur qui j’avais jadis composé quelques lignes,
Elle fait l’agrément de ce petit terrain.

Signes d’une promesse ou bien d’une menace,
Fleurs des trois horizons, je vous parle à voix basse,
Puis à Saturne aussi, votre noble parrain.

Cochonfucius

dimanche 26 mai 2019

Le Jour du Chevalier


Blason ancien de Seehausen (Saxe-Anhalt, Allemagne)

Si nous possédions Le Jour, Le Temps serait suspendu aux branchages de L’Instant, et là, en Son Unicité, celui-ci frémirait des Joies de L’Aube. Mais nous ne possédons pas même notre Souffle et comblons nos vides par les atermoiements de l’avoir. Notre main, elle-même semble être une inconnue, lors que nous découvrons les premiers émois de L’Arbre. Ô Réalité de La Conscience, lors que Toi, Tu T’appartiens, et Ton Regard incommensurable est à surprendre Le Jour à La Pointe de Ton Horizon. Si tout s’effeuille de l’ignorance, en chaque voile, La Parole s’élève. Telle est L’Assemblée Céleste qui Te Parle et Te rappelle à Sa Majesté. Le Monde en Son Unicité, en Son Instant unique et singulier, est Une Main qui s’offre à La Nuit de Ta Veillée, et Le Rêve demeure un Rêve, lors que Tu T’éveilles et proclames, je suis Le Rêve. Quelle est donc alors La vraie Vie ? Je L’ai vu sourire. Je L’ai vu marcher. Je L’ai vu parler. J’ai dit : Il est déjà là, depuis Le Seul Moment durant lequel Il ne nous a jamais quitté. Le Rêve est un Jeu qui va là où Tu vas. Le Cœur est vierge et perpétuellement rajeuni de Tes milliers de Rêves. Le Périple est suave au goût du Jour. Des mots que l’on tisse d’avoir tant aspiré, telles sont ces réalités qui s’unissent juste en L’Éternité. Je Te remercie d’avoir raffermi mes pas sur Le Sentier de mon occultation et je Te remercie d’avoir sondé mon cœur, lors que ma veine jugulaire ignore encore les distances qui sont pures illusions. Je désire mourir à Tes pieds, en La Source permanente de Tes fluviales abondances et je souhaite ne jamais avoir été, de sorte qu’il ne soit qu’Une seule Réalité. Lors que Ton Silence devient Les Joyaux de Ton Verbe ! Ô laisse parler Le Silence ! Laisse-Le ! Il a tant à Te dire, au-delà de ta pensée, il est Une Voix qui parle et ne jamais se tait. Son Chant vibre au cœur et c’est L’Eden, doux et riche des clapotis de Sa Délicatesse. Que ces mots soient gravés sur les parois de Notre Intimité et que Le Jardin, d’innocence, se réjouisse lors que vient L’Aimé Le visiter ! Tel est Le Cœur du Chevalier, lors que soudain Le Jour est une ombre à La Nuit de Sa Veillée.

Océan sans rivage


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samedi 25 mai 2019

Le petit Semainier - Cycle 16


Blason de Bénac (Hautes-Pyrénées, Occitanie)


L’Amour du Merle M’appelle.
Quelque Chose frémit :
C’est là que je suis.
 



Souvent, je monte sur les hauteurs
Comme pour sonder en mon cœur,
Le Ciel qui de ma torpeur,
Entre en Silence. 



Le silence nous tient éveillé.
Des vagues de Son Éloquence,
Il est encore à nous étonner.
A la fontaine, L’Arbre nous a appelée.
 



Le blé ondoie au vent printanier.
De joie entendue, il cache un secret :
Quelques lapins que l’on poursuit.
Sans doute, l’enfant émerveillé.
 



Les nuages sans cesse chavirent,
D’Éclosions multiples et de rire.
Léger, sur les toits, un pinson.
Auprès de lui, je scrute l’horizon. 



A ma porte, tu vins.
Quelle est donc cette Beauté ?
Sur mon cœur, je t’ai porté.
Veuille ne jamais t’envoler ! 



Mille corbeaux
Troublent parfois nos mots.
Leurs ailes fendent les coteaux.
J’ai vu passer Le Ciel.



Océan sans rivage
 
 
L'Almanach du Jardin

D’Amour éternel

 
Armoiries d'Och (Kirghizistan)

Il est un Fleuve infini dont les Mains sauvages
Apaisent toutes nos langueurs et du Cœur envolé
Contemple La Joie, et Le Défi qui ne point ravage,
Est cette Phrase soufflée par L’Ami : allez, allez…

N’est-ce pas alors un Jour nouveau qui nous arrive,
Lors qu’aucune ride imperceptible n’a offensé
Les Terres de nos Pères, et qu’en cette Rive,
Le Temps exulte et que Tout en Lui a commencé ?

Ces larmes inconsolables qui par nos lourdes fautes
Conquièrent L’Empyrée, lors qu’en Lui se sont baignées.
Les cimes de douces volutes et d’aspirations hautes

Nous ont cherchés, et en leur fougue nous ont trouvés.
J’ai posé fragile ma joue sur Ta Joue tendre.
D’Amour éternel, me suis donc laissée éprendre ?

Océan sans rivage


Le Chant du Barde

Discontinuité et impermanence (1)


Armoiries de la colonie rurale de Sviyazhsky (Russie)


Il n'existe rien de constant si ce n'est le changement. Bouddha


Rien n'est chose-en-soi, tout est composé ;
Or, ce qui est composé se décompose ;
Se pose, dès lors, le problème de l'identité.
Est-elle intrinsèque (étant par elle-même » et donc « en absolu ») ou extrinsèque (en relation à autre que soi, donc relative, sans définition ni valeur absolues) ?
Identité renvoie à ce qui est idem « le même ».
Le même que « Qui » ?
Tout est impermanent, rien ne dure, rien n'échappe au changement.

Rien n'est jamais pareil à soi-même. Tout change à tout instant. L'apparente continuité n'est que la nécessaire mais transitoire cohésion de la forme.
Changer signifie « faire autre », par extension « passer d'une forme à une autre » donc d'un ordre de manifestation à un autre.

L'identité n'est pas un absolu-en-soi.
Elle compose une forme transitoire mais elle est vide-en-soi. Sans substance propre.


Voici Sāriputra, forme est vacuité et vacuité est forme ;
forme n’est autre que vacuité, vacuité n’est autre que forme ;
là où il y a forme, il y a vacuité, là où il y a vacuité, il y a forme.



Marc


Se lit aussi sur Naissance et connaissance

vendredi 24 mai 2019

La Connaissance secrète (7) et fin


Armoiries du village de Primorsky (Russie)


                         Ainsi va le marin sur le flot du Temps,
                         Ainsi va le lent découvreur du monde de la Matière ;
                         Lancé dans cette petite naissance corporelle,
                         Il a appris ses balises en d’infimes baies du moi,
                         Mais ose, enfin, les infinitudes insondées,
                         Voyageur sur les mers de l’éternité.
                         Au premier départ brutal de son aventure cosmique,
                         On le voit ignorant de la force de sa divinité,
                         Timide initié de ce vaste dessein.
                         Fin capitaine d’un fragile esquif,
                         Caboteur de petites marchandises impermanentes,
                         Tout d’abord, il longe les côtes et fuit le large,
                         Il n’ose point affronter les hautes et périlleuses mers lointaines.
                         Il file son petit négoce sur les routes côtières,
                         Sa paye lui échoit d’un port à l’autre ;
                         Satisfait de sa ronde tranquille et invariable,
                         Il ne se hasarde pas vers le nouveau et le non-vu.
                         Puis il entend le son de mers plus vastes.
                         Un monde élargi l’appelle vers des scènes plus éloignées,
                         Et des voyages dans un arc de vision plus grand
                         Et des peuplades inconnues et des rivages encore vierges.
                         Sur une quille commissionnée, sa coque marchande
                         Sert le commerce du monde et les richesses du Temps,
                         Il taille l’écume d’une grande mer cernée de terres
                         Pour atteindre le feu de ports inexplorés sous des climats étranges
                         Et ouvrir des marchés pour les arts opulents de la vie,
                         De riches balles, des figurines ciselées, des toiles colorées
                         Et des colifichets sertis de joyaux pour les jeux d’une infante
                         Et les fruits périssables d’un dur labeur
                         Et des splendeurs éphémères gagnées et perdues en un jour.
                         Ou bien, traversant quelque abrupt détroit aux piliers de roc,
                         Sans s’aventurer encore à courir les océans innommés
                         Ou à faire voile dans les rêves lointains,
                         Il s’approche d’une côte peu familière
                         Et trouve de nouveaux havres parmi des îles de tempête,
                         Ou encore, guidé par un sûr compas dans sa tête,
                         Il plonge dans un brouillard étincelant qui couvre les étoiles
                         Et navigue sur les grand-routes marchandes de l’Ignorance.
                         Mais sa proue tire encore vers des rivages indécouverts,
                         Il tombe par chance sur des continents jamais imaginés :
                         Chercheur des îles Fortunées,
                         Il quitte les dernières terres, traverse les ultimes mers,
                         Il change d’amures et tourne sa quête vers les choses éternelles ;
                         La vie change pour lui ses scènes construites par le Temps,
                         Ses images voilaient l’infini.
                         Les frontières de la Terre s’éloignent, l’air du monde
                         Ne traîne plus autour de lui son voile transparent.
                         Il a traversé les limites de la pensée et des espoirs mortels,
                         Il a touché le bout du monde et scrute par-delà ;
                         Les yeux du corps mortel plongent leur regard
                         Dans les Yeux qui voient l’éternité.
                         Malgré lui, le voyageur du Temps doit explorer un monde plus grand.
                         Enfin, il entend un hymne sur les hauteurs
                         Et le loin parle et l’inconnu s’approche :
                         Il traverse les barrières de l’invisible
                         Et franchit la ligne de vue mortelle,
                         Il entre dans une vision nouvelle de lui-même et des choses.
                         Il est l’esprit dans un monde inachevé
                         Qui ne connaît pas cet esprit et ne peut pas se connaître lui-même :
                         La surface symbolique de sa quête sans but
                         Prend un autre sens pour ses yeux du dedans ;
                         C’est son obscurité qui cherche la lumière,
                         C’est sa vie mortelle qui cherche l’immortalité.
                         Dans le navire de cette incarnation terrestre,
                         Par-dessus l’étroite rambarde des sens bornés,
                         Il regarde les vagues magiques du Temps
                         Où le mental, telle une lune, illumine le noir du monde.
                         Au loin se silhouette, toujours échappé des yeux,
                         Confine esquissé dans la brume ténue d’une lumière de rêve,
                         Le contour d’un vague rivage mystérieux.
                         Matelot sur l’océan sans fond de l’Inconscient,
                         Il voyage à travers le monde étoilé de la pensée
                         Sur le pont de la Matière, vers le soleil de l’Esprit.
                         Parmi le tumulte et les cris de la multitude,
                         À travers les silences poignants de l’inconnaissable,
                         À travers un étrange demi-monde sous des cieux d’une autre nature,
                         Par-delà les latitudes et les longitudes de la terre,
                         Son but est fixé hors de toutes les cartes présentes.
                         Mais nul ne sait où il fait voile dans l’inconnu
                         Ni quelle mission secrète la grande Mère lui a donnée.
                         Par l’énergie cachée de sa toute-puissante Volonté,
                         Poussé par son souffle à travers les gouffres houleux de la vie,
                         À travers les orages qui grondent et les calmes lisses,
                         À travers les embruns et les brumes où rien ne se voit plus,
                         Il porte dans sa poitrine les ordres qu’Elle a scellés.
                         Tard, il saura, ouvrant la charte mystique,
                        S’il va dans un port vide de l’autre monde
                        Ou si, armé du fiat de la grande Mère, il découvre
                        Un mental nouveau et un corps nouveau dans la cité de Dieu
                        Et bâtit le temple de l’Immortel dans sa maison glorieuse
                        Unissant le fini à l’Infinitude.
                        À travers les mers saumâtres des années interminables
                        Elle pousse sa barque errante sous les grands alizés,
                        Et les eaux cosmiques écument tandis qu’il va
                        Et la tourmente autour et le danger et un appel.
                        Toujours il suit le sillage de la force qu’Elle a tracé.
                        Il navigue à travers la vie et la mort et une autre vie,
                        Il voyage et voyage à travers la veille et dans le sommeil.
                        Sur lui, Elle a posé un pouvoir de sa Force occulte
                        Qui le lie au destin de sa propre création,
                        Et jamais le puissant voyageur n’a de repos
                        Et jamais le voyage mystique ne peut cesser,
                        Jusqu’à ce que le crépuscule ignorant se lève de l’âme humaine
                        Et le matin de Dieu surprenne sa nuit.
                        Tant que dure la Nature, Il est là aussi,
                        Car assurément, Lui et Elle sont un.
                        Même dans son sommeil, il la garde sur sa poitrine :
                        Tous peuvent la quitter, il ne s’en ira point
                        Reposer sans Elle dans l’inconnaissable.
                        Il y a une vérité à connaître, une œuvre à accomplir;
                        Le jeu qu’Elle joue est réel, Il remplit un Mystère :
                        Il y a un plan dans l’insondable caprice mondial de la Mère,
                        Un but dans son immense partie de hasard.
                        C’est ce qu’Elle a toujours voulu depuis la première aube de la vie,
                        C’est cette constante volonté qu’Elle a masquée derrière ses jeux :
                        Évoquer une personne dans un Vide impersonnel,
                        Par la Lumière-de-Vérité frapper les racines massives de l’hypnose terrestre,
                        Réveiller un moi stupéfié dans les abîmes inconscients
                        Et tirer de sa torpeur de python un pouvoir perdu
                        Afin que les yeux de l’intemporel puissent s’ouvrir sur le Temps
                        Et le monde manifester le Divin sans voile.
                        C’est pour cela qu’il a quitté sa blanche infinitude
                        Et posé sur l’Esprit le fardeau de la chair
                        Afin que la semence de Dieu puisse fleurir dans l’Espace oublieux.



Shri Aurobindo, Savitri, Le livre des commencements, Chant Quatre
(Traduction de Bernard Enginger dit Satprem, 1923-2007)