Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

dimanche 3 septembre 2017

Les Allégories du Jardin - La Giroflée


Allégorie 8 – La Giroflée


Alors la giroflée, fière de son coloris, répandit son doux parfum, et sembla dire ces paroles :

Pourquoi se laisser séduire par les charmes d’une vie qui nous est arrachée au moment que nous nous y attendons le moins ! Pourquoi se réjouir follement d’une existence que mille accidents ne cessent de troubler ! Si tu veux prendre une leçon instructive, considère ma tige inclinée, ma couleur qui se passe, ma vie qui finit sitôt, et le petit nombre d’instants que dure ma fraîcheur. Les révolutions du temps ont changé ma couleur première, et en ont formé trois différentes nuances qui constituent autant de variétés. 

La première se présente sous le vêtement jaune du mal de l'amour ; la seconde s'offre à tes regards, vêtue de la robe blanche de l’inquiétude produite par les tourments de la séparation ; la troisième enfin paraît sous un voile bleu, en signe du chagrin qui la consume. Quant à la variété blanche de ma fleur, elle n’a ni éclat, ni parfum ; aussi l’odorat dédaigne-t-il sa corolle, et l’on ne vient point enlever le voile qui couvre ses appâts. La raison, c’est qu’elle cache soigneusement son secret, qu’elle renferme en elle-même son parfum, et qu’elle dérobe ses trésors avec tant de soin, que ni les désirs ni les vents ne peuvent en jouir. La variété jaune, au contraire, se promettant de séduire, prend, dans ce dessein, un air de volupté et de langueur ; répand le matin et le soir son odeur musquée ; et à l’aurore ainsi qu’au coucher du soleil, laisse échapper son haleine odorante.


Illustration : Guiroflee jausne (Cheiranthus cheiri L. - giroflée des murailles) - Grandes Heures d'Anne de Bretagne, BNF, Ms Latin 9474, 1503-1508, f°82r


Jamais le doux zéphyr, chargé de vapeurs parfumées, ne s’élève de la plaine ou est placée ta tente adorée, sans que des larmes causées par la douleur ne coulent de mes paupières. Hélas ! si ce n’était toi qui habites cet asile sacré, jamais une flèche meurtrière n’aurait percé mon sein. Tu as fait mon cœur esclave ; je te l’abandonne, je rends les armes : ah ! Ne me tourmente point par de cruels chagrins.
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Si, pressé par les désirs de mon amour, je confie ma peine au zéphir, peux-tu m'en faire un reproche !

Ne me blâme point, ô mon frère ! quand je découvre la passion qui m’expose à l’ignominie. Va, l’amant qui trahit son secret n’est pas coupable ; il est vaincu par la violence de son ardeur.

Pour ce qui est de me variété bleue, elle comprime sa passion, elle supporte sa peine avec patience, et jamais elle n’exhale son odeur durant le jour. Tant que le soleil répand sa lumière, dit-elle, je ne manifeste point mon secret à ceux qui m’aiment, et je ne prodigue pas mon arôme à ceux qui viennent le respirer ; mais dès que la nuit m’a couverte de ses ombres, je décèle mes trésors à mes amis, et je me plains de mes maux à ceux qui souffrent les mêmes peines que moi. Lorsque les coupes font la ronde, je bois à mon tour ; et lorsque l’instant me paraît favorable , j’exhale mes émanations nocturnes, et répands un parfum aussi doux, pour ceux qui sont auprès de moi, que la société d’un ami qui console. Toutes les fois que l’on recherche ma présence, je cède avec empressement à l’invitation, et je me contente de me plaindre à Dieu de ce que des cœurs durs me font souffrir. Sais-tu pourquoi je retiens mon parfum durant le jour, et que je n’ôte mon voile que durant la nuit! C’est parce que ce sont les ténèbres que les amants choisissent pour leur tête-à-tête, et que la maîtresse attend ce moment pour se montrer à son bien-aimé. Dans cet instant heureux, le rival importun est absent et tout facilite l’accès de la divine amie ; aussi, à peine s’est-elle informée des besoins de ses amants, que j’élève vers elle mes soupirs comme des épîtres amoureuses , et lui présente mon humilité comme intercesseur.

Je dirige vers ma maîtresse les soupirs enflammés de mon amour, et je lui présente le parfum de mon hommage. Pour obtenir le doux instant de bonheur que j’ambitionne , je n’ai d’autre intercesseur que la pureté de mes vues et mon humilité. Que cette amie agrée mon hommage, ou qu’elle le rejette (cruelle alternative qu'il est impossible d'éviter), mon amour n'en est pas moins le même.

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