Il me vient ce petit conte, que j’ai retrouvé sur un parchemin, enroulé bien sagement dans le vieux tiroir de la maison du fond des bois, et ce conte est l’histoire étonnante d’une vision encore plus étonnante, qui est celle de l’intériorité. Sans elle, que pourrions-nous vraiment vivre ? Il est dit dans ce rouleau qu’il y a très longtemps, il y avait une forêt magique. C’est là que naquit un élément très pur, que nous appellerons enfant. Nous voyons chaque jour partir des petits êtres dans les villes, très tôt le matin. Ce sont des enfants aussi. Pourtant, l’enfant dont il est question dans cette histoire n’est pas vraiment un enfant. Il se trouve, que cet être avait la faculté de se changer de mille façons différentes. Il lui suffisait de poser son regard sur une chose, ou bien sur une créature pour aussitôt devenir cela même. Cet enfant n’était pas de ce monde. Il n’allait pas à l’école, ne traversait pas de rues bruyantes, ni ne croisait de camarades. Puisqu’il n’avait pas de forme précise, quand il voulait se reposer, il devenait terre. Quand il voulait aller plus vite, il devenait eau. Mais, s’il lui arrivait de vouloir s’envoler, il devenait air. Il prit très tôt conscience de ces sortes de dispositions. Imaginez-vous comme il se sentait profondément heureux et libre ? Chaque chose, il la vivait en lui, sans même comprendre qu’il y avait un extérieur, ou bien un intérieur. Pour le moment, il aimait rester dans la forêt profonde. Il se sentait à explorer l’inexplorable. Plus tard, il découvrit le feu et son pouvoir. Ce fut une de ses plus extraordinaires expériences. Il prit tout son temps, car, peu à peu, il comprit qu’il pouvait simultanément devenir plusieurs choses à la fois. La terre lui conseillait de toujours prendre le temps, et le temps le donnait au silence. Il devenait frémissement léger du vent, et aussi les feuilles dans les branchages. Chaque fois qu’il posait son regard, il apprenait encore mieux à voir, à sentir, à goûter, à saisir, à chanter, à danser.