Blason de la ville de Kus et du district de Kusinsky (Russie)
Shri Aurobindo, Savitri, Le livre des commencements, Chant Quatre
Sur une hauteur, debout, il regardait vers des hauteurs plus grandes.
Nos première approches de l’Infini
Sont des splendeurs d’aurore sur une crête merveilleuse
Tandis que tarde encore, invisible, la gloire du soleil.
Ce que, maintenant, nous voyons est une ombre de ce qui doit venir.
Le regard de la terre vers un vague inconnu
Est le prologue, seulement, d’une ascension épique
De l’âme humaine qui sort de sa platitude terrestre
À la découverte d’un moi plus grand
Et d’une lointaine lueur de l’éternelle Lumière.
Ce monde est un commencement et une base
Où la Vie et le Mental érigent la structure de leurs rêves ;
Un Pouvoir pas encore né doit bâtir la réalité.
Une petitesse à destination de la mort n’est pas tout ce que nous sommes :
Immortelles, nos Vastitudes oubliées
Attendent la découverte au sommet de notre moi;
Immesurées, des étendues et des profondeurs d’être sont à nous.
Parentes de l’ineffable secret,
Mystiques, éternelles dans un Temps pas encore accompli,
Voisines des Cieux sont les altitudes de la Nature.
Vers les hauts pics de ces empires scellés à notre quête,
Trop loin des sentiers battus à la surface de la Nature
Trop éthérés pour qu’y respirent nos vies mortelles,
Une parenté oubliée pointe son aiguille au fond de nous
Et timide, une voix d’extase et de prière
Appelle ces lumineuses immensités perdues.
Même quand nous manquons de regarder dans notre âme
Ou restons incrustés dans la conscience terre à terre,
Même alors, nous avons des arcanes qui grandissent vers la Lumière,
Même encore, il y a des étendues lumineuses et des ciels sereins
Et des Eldorado de splendeur et d’extase
Et des temples à la Divinité que nul ne peut voir.
Une vague mémoire s’attarde encore en nous
Et parfois, lorsque notre regard se tourne vers le dedans,
Le voile ignorant de la terre se lève de nos yeux;
Une brève échappée miraculeuse se fait.
Cette étroite marge d’expérience fixée
Qui nous est mesurée pour vie, nous la laissons derrière,
Nos petites promenades, notre courte portée.
En de grandes heures solitaires, nos âmes peuvent visiter
D’immobiles royaumes d’impérissable Lumière
D’omnivoyants pics d’aigle de Puissance silencieuse
Et des océans de brusque Béatitude, comme un abîme de feu blanc
Et les calmes immensités de l’Espace spirituel.
Dans ce cheminement qui dévoile le Moi
Parfois, l’indicible Mystère
Élit un vaisseau humain de sa descente.
Un souffle vient d’un air suprême,
Une présence s’incarne, une Lumière, un Guide s’éveille,
Une immobilité saisit les membres :
Parfois, transfixé comme un monument de marbre,
Tel un rocher de calme, le corps devient un piédestal
Qui porte un visage de l’éternelle Paix.
Ou bien une Force de révélation déferle comme un torrent de feu:
Venue d’un vaste continent souverain
Une Connaissance transperce, laissant un sillage de mers radieuses
Et la Nature tremble sous le pouvoir et la flamme.
Une Personnalité plus haute, parfois,
S’empare de nous, que nous savons pourtant être nôtre,
Ou nous adorons le Maître de notre âme.
Alors, le petit ego du corps s’efface et tombe ;
Ne tenant plus à son moi séparé
Il perd l’étiquette de sa naissance séparée
Et nous laisse un avec la Nature et avec Dieu.
Par moments, quand les lampes intérieures sont allumées
Et les invités chéris de la vie restent dehors,
Notre esprit siège tout seul et parle à ses gouffres.
Une conscience plus large ouvre alors ses portes;
Une invasion des silences spirituels
Un rayon de la Gloire sans temps se penche un moment
Pour communier avec notre argile saisie, illuminée,
Et laisse sa formidable marque blanche sur nos vies.
Dans le monde oublieux du mental mortel,
Révélés aux yeux clos de l’extase prophétique
Ou dans une profonde solitude intérieure,
Témoignés par un étrange sens immatériel
Apparaissent les signaux de l’éternité.
La Vérité que le mental ne pouvait connaître dévoile sa face
Nous entendons ce que, jamais, les oreilles mortelles n’ont entendu,
Nous sentons ce que, jamais, les sens terrestres n’ont senti,
Nous aimons ce que les cœurs ordinaires rejettent et craignent;
Notre mental se tait sous un midi Omniscient;
Une Voix appelle dans les chambres de l’âme;
Nous rencontrons le ravissement du toucher de Dieu
Dans les intimités d’or du feu immortel.
Tels sont les signes naturels d’un moi plus large
Vivant en nous, non vu par nous ;
Parfois seulement, vient une influence plus sacrée,
Une marée plus puissante soulève notre vie
Une Présence plus divine émeut l’âme.
Ou à travers les revêtements terrestres perce quelque chose,
La grâce et la beauté de la lumière spirituelle,
Les langues murmurantes d’un feu céleste.
Haut étranger que nous sentons, et pourtant nous-même,
Il est, et agit sans être vu comme s’il n’était point;
Il suit la piste de la naissance sempiternelle
Et pourtant semble périr avec sa forme mortelle.
Assuré de l’Apocalypse à venir,
Il ne compte point les moments et les heures;
Grand, patient, calme, il regarde passer les siècles
Attendant le lent miracle de notre changement
À travers l’infaillible cheminement délibéré de la force cosmique
Et la longue marche du Temps qui révèle tout.
Il est l’origine et la maîtresse piste,
Un Silence au-dessus, une Voix au-dedans,
Une image vivante assise dans le cœur.
Une Vastitude sans murs et un point sans fond,
Il est la vérité de tous ces spectacles énigmatiques à travers l’espace,
Le Réel vers lequel tous nos efforts tendent,
Le secret grandiose et le sens de nos vies.
Un trésor de miel dans les ruches de Dieu,
Une Splendeur brûlante sous un manteau de ténèbres,
Il est notre gloire de la flamme de Dieu,
Notre fontaine d’or du délice du monde,
Une immortalité masquée sous une cape de mort,
La forme de notre divinité pas encore née.
Il garde pour nous notre destin dans les profondeurs dedans
Où dort la semence éternelle des choses transitoires.
Toujours, nous portons en nous une clef magique
Cachée dans l’enveloppe hermétique de la vie.
Un témoin brûlant dans le sanctuaire
Regarde à travers le Temps, à travers le mur aveugle des Formes ;
Une Lumière hors du temps est dans ses yeux cachés ;
Il voit les choses secrètes que nulle parole ne peut dire
Et connaît le but du monde inconscient
Et le cœur du mystère des années voyageuses.
Shri Aurobindo, Savitri, Le livre des commencements, Chant Quatre