Ma chère Mado, je lance une énième bouteille à la mer d'indifférence qu'est devenu ton cerveau, sachant qu'elle se fracassera, comme les précédentes, contre les écueils de ton conformisme plasmatique que des décennies de liquéfaction mentale ont rendu endogène. Des décennies et peut-être même des siècles. Dans le fond, ce n'est pas tant à toi que j'adresse ces mots, pas plus qu'à tes semblables, ni même à nos contemporains, mais plutôt à ceux qui nous suivront - si tant est qu'il y ait encore une suite possible - pour leur dire que nous n'étions alors pas tous à ce point lobotomisés pour être dupes de toute cette mascarade, ni assez pétochards pour nous censurer nous-mêmes, encore moins crétins au point de nous interdire d'être intelligents. Que malgré nos pauvres moyens et notre isolement, nous refusâmes de nous compromettre avec les Ténèbres pour préserver nos minables petits conforts, en des existences artificielles et uniformes qui nous condamnaient à n'être plus que des systèmes digestifs sur pieds, en attendant que les robots, dont nous permîmes l'avènement et l'invasion par nos propres comportements, nous rendraient d'abord interchangeables et bientôt massivement surnuméraires et finalement inutiles.
Les Français sont des râleurs, le fait est notoire.
Si du système ils dénoncent les effets pervers,
Le remettre en cause leur est toute une histoire,
Se voulant tout de l'avers mais rien du revers.
Volontiers égalitaristes par le discours,
Sans bouder les avantages ni les privilèges, *
Dès que les cordons de leur bourse se font trop courts,
Le fisc vient à la rescousse et la leur allège.
Ils auraient en leur temps fait une révolution
Pour ne s'en tenir à aucune résolution,
Les frontons d'édifices se parant d'une devise
Dont ils n'ont pas même cimenté les fondations.
Si la nuit du 4 août a valu datation,
Une seconde édition est aujourd'hui de mise.
Blason de Kettenacker (Bade-Wurtemberg, Allemagne)
Multiples sont les effets du masque sanitaire :
Il marque clairement un état de soumission
Et entretient partout un climat délétère
Qui réveille les vieux démons de la délation ;
De ne donner à voir que des demi-visages
Ne mécanise que davantage les relations.
Certains y voient comme un rite du passage
À un Nouvel Ordre Mondial de castration :
- Des spécificités devenues obsolètes ;
- De la pensée qu'on n'a de cesse d'avoir défaite
Pour simplement la remplacer par l'opinion
Injectée dans le mental à doses médiatiques ;
- Celle, tout aussi pernicieuse, de la politique
Dont la fonction se réduit à faire diversion.
* * *
Le mythe de la démocratie restant vivace,
Cette illusion nourrit sans fin la tromperie
Derrière laquelle se cachent des appétits voraces.
Nous faut-il rire ou pleurer de cette pitrerie ?
À vrai dire, cela n'a plus aucune importance,
Tant le système a colonisé les esprits,
Lors que tout tombe dans la plus grande indifférence.
Ceux qui au sommet tirent les ficelles l'ont bien compris.
Y a-t-il moins de voitures sur les autoroutes ?
Et moins de clients aux caisses des supermarchés ?
Voyez-vous des gradins vides sur les stades de foot ?
Les jeux de hasard sont-ils à fermer boutique ?
Et les places boursières sont-elles en rade de marchés ?
Les masses sont-elles moins dociles et moins béatiques ?