Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

samedi 30 septembre 2017

Poésie héraldique allemande - Beckum



Blason de Beckum (Rhénanie du Nord - Westphalie, Allemagne)

In Rot drei silberne schrägfließende Ströme. 


                                 Ich lag und schlief,
                                 In bärmefeuchten Erdteig eingebacken,
                                 So gut und tief.
                                 Und Wurzelschnüre schmückten meinen Nacken.

                                 Ich lag und sann.
                                 Mir bröckelte am Mund die braune Rinde.
                                 Es schritt ein Mann
                                 Und zog um meinen Stein die Pfeifenwinde.

                                 Die Winde hier,
                                 Ich sah sie dort in zugeklebten Lidern.
                                 Sie rief nach mir
                                 Mit leisem Blatt: ich konnte nichts erwidern.

                                 Ich lag im Brot,
                                 Und die es nährte, kamen, mich zu essen ;
                                 Denn ich war tot.
                                 Das fiel mir ein; ich hatt' es längst vergessen.

                                 Mein Augenpaar:
                                 Gleich mürben, abgebrannten Kerzenstümpfen.
                                 Mein weiches Haar :
                                 Gemeng von Schlamm und Pflanzenwust in Sümpfen.

                                 Der Sprache Licht :
                                 Die Wühlmaus trägt ihr Nest in meine Kehle.
                                 Ich stör' sie nicht. -
                                 Ein weißer Strom gleißt auf von meiner Seele.

                                 Er stürzt und eilt,
                                 Des Grabes grüne Blume zu begießen
                                 Und dreigeteilt
                                 In große rote Reiche einzufließen.

                                 Der Dreistrom sinkt.
                                 Ich sickre flach und flüstre, da ich schwinde.
                                 Mein Letztes trinkt
                                 Ein Amselweibchen und die Pfeifenwinde.



Gertrud Kolmar

Dans le rouge trois rivières d‘argent coulant à l’oblique.

Allongée je dormais,
Cuite dans une pâte moite de terre ourse,
Profondément, si bien.
Des rubans de racines ornementaient ma nuque.

Allongée je songeais.
À ma bouche s’effritait la croûte brune.
Arriva un homme.
Il entoura ma pierre de lianes d’aristoloche.

L’aristoloche à siphons
Je la regardais depuis des paupières scellées.
Elle appelait vers moi
Agitant feuille douce : je ne pouvais répondre.

Je gisais dans le pain,
Et ceux qu’il nourrissait vinrent pour me manger ;
Car j’étais morte,
Cela m’apparut, longtemps je l’avais oublié.

Ma paire d’yeux :
Deux moignons de bougies consumées friables.
Ma souple chevelure :
Mixture de boue et fouillis de plantes marécageuses.

Lumière du langage :
La souris fouisseuse place son nid dans ma gorge.
Je ne la dérange pas. -
Une coulée blanche scintille depuis mon âme,

Elle plonge se ruant
Pour arroser la fleur verte de la tombe
Et se divise en trois
Pour irriguer de grands royaumes rouges.

La triple rivière s’enfonce.
Je suinte laminée chuchotante, disparaissant.
Mes restes sont bus
par une merlette et par l’aristoloche.


Source : Gertrud Kolmar : Preußische Wappen, Berlin 1934.

Traduit de l’allemand par Jean-René Lassalle.

Les Allégories du Jardin - La Colombe


Blasons d'Eybens (Isère, Rhône-Alpes) et de Sainte-Colombe-sur-Guette (Aude, Occitanie)


Allégorie 17 – La Colombe

          J’étais encore tout occupé des paroles agréables du faucon, et je méditais sur les leçons de sagesse et de prudence qu’il m’avait données, lorsque je vis devant lui une colombe ornée du collier de l’obéissance. Parle-moi de ton discernement, et de ce que tu aimes, lui dis-je alors ; et révèle-moi les motifs qu’a eus la Providence en te parant de ce beau collier. Je suis chargée, me répondit-elle, de porter les doux messages qui gagnent les cœurs, et ce collier est le signe de ma fidélité à remplir les commissions qu’on me confie ; mais, pour parler avec franchise, car la religion ordonne la sincérité, tous les oiseaux ne méritent pas qu’on se fie à eux, de même que ceux qui prêtent serment, ne sont pas tous véridiques, et que ceux qui s’engagent dans la vie spirituelle, ne sont pas tous du nombre des élus. Les individus seuls de mon espèce rendent exactement ce dont on les charge ; et ce qui prouve mon intégrité, c’est cette sentence : « Les oiseaux bigarrés de noir et de blanc, et ceux qui sont verts, remettent fidèlement ce qu’on leur confie, parce que de même qu’ils sont préférables à l’extérieur, ils le sont aussi en réalité. Lorsque l’oiseau est noir, il n’est pas propre à l’objet dont il s’agit ; s’il est blanc, cette couleur est le signe d’une imperfection naturelle, et indique un manque d’énergie qui le rend incapable de faire ce qu’on désire. Les vues et les desseins élevés ne se trouvent que dans l’âme pure, noble et droite. Mais lorsque la couleur de l’oiseau est dans un juste milieu, il est excellent pour les messages, et on doit l’élever pour cet emploi. On l’achète alors dans les bazars, aux cris des courtiers qui annoncent les marchandises, et on le dresse peu à peu à reconnaître son chemin. Aussi, dès que je m’offre pour quelque message, n’hésite-t-on pas à me, confier des lettres pleines de secrets, et à me charger de nouvelles agréables. Je pars ; mais bientôt la crainte vient troubler mon esprit ; je veux éviter l’oiseau de proie sanguinaire, le voyageur aux pas rapides, et le chasseur impitoyable ; j’accélère donc mon vol, supportant une soif ardente dans les déserts du midi, et une faim cruelle dans les lieux pierreux. Si je voyais un grain de froment, je m’en éloignerais même, malgré le besoin qui me presse, me rappelant le malheur affreux que le blé fit tomber sur Adam ; et, dans la crainte d’être exposée à ne pouvoir porter la lettre à destination, et à conclure ainsi le marché de la dupe, j’évite avec grand soin de tomber dans un filet caché sous la poussière, ou d’être prise dans des lacs perfides. Dès que , parvenue au but de mon voyage, je me vois dans un lieu de sûreté, je remets alors ce dont on m’a chargée, et je me comporte de la manière que l’on m’a apprise. Tu vois actuellement pourquoi je suis ornée d’un collier : j’ai été créée pour transmettre de bonnes nouvelles, et je remercie Dieu de m’avoir choisie pour cet emploi.

          Chère amie, puis-je espérer d’obtenir de toi la moindre faveur, ou me délaisses-tu ! L’esclave de ta beauté ne cessera point, dans l’un ou dans l’autre cas, de t’être fidèle ; il n’est pas ébranlé par les paroles du censeur ; rien ne saurait le faire renoncer à sa noble passion. Pour ton amour, je n’ai pas craint d’accepter ce que les monts les plus élevés ont refusé. Oui, je serai fidèle à la foi que je t’ai jurée ; la fidélité aux engagements que l’on a contractés, est le plus bel ornement qui puisse décorer l’homme bien né.
          Laisse-le se livrer à l’amour de la beauté qui le captive ; car ton sort est le même que le sien, ô toi qui lui fais de cruels reproches.


vendredi 29 septembre 2017

Omnia vanitas 2


Une causerie de Frère Eugène

Blason de Plaisir (Yvelines, Ile-de-France)

Charbonnier est roi chez lui. Ainsi, chacun veut
Asseoir son pouvoir, si dérisoire qu'il paraisse.
C'est, avec la richesse, le plus commun des vœux
Et c'est souvent les deux réunis qu'on caresse.

Paris se résout par ces mots : or et plaisir,
Pour citer Balzac qui en a fait la peinture
Intemporelle.* La chose ne manque pas de saisir
Tout esprit un peu au-dessus de la ceinture.

Quelle est la première question qui vous est posée
Dès la première rencontre avec une personne ?
« Que faites-vous dans la vie ? » La réponse conditionne

Le reste, car ce qui d'emblée est à s'imposer,
C'est le rang social et donc, de manière induite,
Le faire-valoir. Selon, l'on donnera ou non suite.

Frère Eugène


* La fille aux yeux d'or, 1835

Abstraction Absolue


Blason de Réguisheim (Haut-Rhin, Alsace)

D'argent à trois cœurs de gueules posés en pal, à grandeur
décroissante de la pointe vers le chef, l'un soutenant l'autre.


Graver sur la pierre du Temps qui commence,
Il a touché L'Instant précis de l'Abstraction.
Je L'attendais toujours en ma pleine conscience,
Furtif moment vierge du suivant, en sa répétition.

Il tremble des effets langoureux et se suspend,
Puis en son envol majestueux, conquiert les Cieux.
Flèche que La Cible ardente cherche sûrement.
En La Contemplation, les yeux sont victorieux.

Le Cœur reçoit Le Firmament et plus encor.
Si tu entends La Voix, alors Elle vibre de son Essor.
L'Âme aime en cette profondeur du Discours.

Elle peut dire ce qui s'offre sans aucun détours.
Le Voyage est de vibrante Réalité.
L'Âme est en cette Seconde D’Éternité.

Océan sans rivage

jeudi 28 septembre 2017

L'Amour, puissante Épée


Blason de Romainmôtier-Envy (Canton de Vaud, Suisse)

Parti d'argent et de gueules à une clef et une épée de l'un à l'autre.

(Ces armes furent celles du monastère clunisien de Romainmôtier à partir du XIVème siècle. La clef et l'épée, emblèmes de saint Pierre et saint Paul, patrons de la ville, se retrouvent sur le blason de Cluny)


Penses-tu que je sois réelle en cet étrange monde ?
Je nais du seul regard éclos en L'Ultime saison.
Je souris des incompréhensions, des illusions.
C'est en l'Esprit que L'Amitié se féconde.

Tantôt je danse sur un fil ténu de mes seuls vœux.
J'ai exploré si loin L'Ailleurs, c'est en ma mort,
C'est elle qui me fait rire, avancer encore.
J'ai saisi depuis des milliers d'années ce Feu.

Il brûle en moi, sans jamais me consumer.
J'ai traversé les forêts sombres que l'on a oubliées.
Jamais je ne perds L'Etoile de mon Ciel intérieur.

C'est en Lui que j'avance, et même si je dois ramper.
Je n'ai pas peur, je suis à me libérer des sphères inférieures.
J'avance avec L'Amour comme puissante Épée.

Océan sans rivage

Prose II


Blason de la commune d'Arcey (Doubs, Franche-Comté)
(dessiné par N. Vernot - 2016)

D’azur semé de billettes d’or, au lion couronné de même armé et lampassé de gueules, mouvant d’un brasier de même et brandissant une épée d’argent, brochant sur le semé, au chef nuagé de trois pièces d’azur, chargé d’une rose de gueules boutonnée d’or et rayonnante de seize pièces de même, paraissant dissiper une nuée d’argent posée en bordure et mouvant des bords du chef.


Mes yeux sont en alerte; ils fouillent le soir avec une peine tourmentée... Les souvenirs sanglotent dans l'attente de l'aube.
J'aimerais le monde, j'aimerais les cieux resplendissants, et non le râle pénible du sang qui s'enfuit, d'un trou béant et glauque, des fissures du mensonge atroce de la vie...
Il ne faut pas que j'entende le sifflement âpre des condamnés, il ne faut pas...
Si l'on pouvait, comme dans les contes verser du coton sur les plaines du monde entier, si l'on pouvait assourdir l'écho...
Un jour, un visage m'est apparu.
Son regard s'étirait à l'infini, et je pouvais difficilement apercevoir l'iris de ses yeux, tant la pâleur de l'image m'avait impressionnée.
Je crois que j'en suis de suite tombée amoureuse.
Seulement ce visage n'est qu'un pur rêve, et il s'évanouit.
Je l'aime pourtant, comme une réalité, car il est réel.
Je sais qu'un jour, je le verrais pour de bon.
Il en est ainsi des choses.
J'aspire à un monde qui ne saigne pas.
Ce visage est d'une beauté surprenante, et, j'aime à m'en souvenir.
Si la nuit est profonde, ce visage est l'Âme de la nuit, sans aucun doute.
Me voilà à repenser à ma lune chérie et à son image flottante.
La pluie règne sur les toits, la vie s'égoutte peu à peu, sans que je sache vraiment où elle veuille partir.
Partir, comme j'aimerais partir, ne plus être.
Ou être en une contrée lointaine et idyllique.
Le sais-je réellement ?
L'Eau s'écoule et je suis à souhaiter son parcours.
L'horizon n'est plus qu'une ligne ondulante. Je ne peux la suivre sans vouloir soudain m'arrêter.
Si ces yeux sont profonds comme la nuit, c'est que son âme est une ombre de joie éteinte, enfouie dans la terre, telle une racine...
Ses lèvres sont une caresse dont le souffle chaud m'enivre divinement : je l'aime... Et les larmes flamboyantes se déversent dans une mer agitée et meurtrière... J'ai si peur.
Ma pensée tremble dans une solitude sauvage et indicible.
Les étoiles miroitent au dessus de l'enfer éternel.
Si les enfants pleurent, je tuerais ceux qui les font souffrir injustement. Je sens que je crierai, mes poumons éclateront et je mourrai avec eux.
Si les enfants pleurent, les hommes sont des monstres.
On trahit le cœur innocent des pauvres, on tue à jamais le sourire d'un être.
Je veux le monde, non pas la boue de cadavres et tous ces sourires déchirés.
Ô ma lune, je glisse dans la pénombre de l'existence, mais je t'aime !
Si le visage me parle, alors je serais si émue, si bouleversée...
La nuit balbutie des douleurs inconsolables, des serrures en lambeaux, des murmures curieux.
J'ai peur !
Je voudrai être ailleurs, loin d'ici.
Mais être loin, c'est accepter, c'est renoncer...
Hier est fini, si différent de cette nuit farouche.
J'aimais ma lune et jouais avec elle, me moquant un peu des autres, désirant rompre avec les habitudes du jour.
Mais hier est fini, et plus jamais, je ne penserai à mon amour comme avant...
Plus de fleurs embaumantes, plus d'envolées inachevées...
Plus de chevauchées galantes avec ma belle et douce lune.
Je l'aime pourtant !
Des enfants meurent...


Océan sans rivage (Écrits de jeunesse)

Lire aussi Prose I

À la saint Michel


Blason de Dobroslava (Slovaquie)

Si à la saint Michel tombent des pluies d'orage,
D'un hiver doux et clément c'est l'heureux présage.
L'on ajoute : si l'hirondelle voit la saint Michel,
L'hiver ne s'en viendra pas avant la Noël.

Le lendemain de ce jour est la saint Jérôme
Où le dicton conseille de hocher les pommes ;
Pour le cidre, bien-sûr, car celles pour la table
Se doivent cueillir d'une manière plus respectable.

Jadis, cette période fut le départ des fermages ;
C'était pour les valets de ferme jour d'essaimage
Et toper les mains valait contrat pour l'année.

En ces temps-là, une parole était une parole
Et on se la donnait sans plus de protocole,
Mais jamais personne n'eût osé la profaner.

Marc

mercredi 27 septembre 2017

Omnia vanitas 1


Une causerie de Frère Eugène

Blason de Saint-Nicolas-d'Aliermont (Seine-Maritime, Normandie)

De gueules à la crosse d’argent accostée à dextre d’un
sablier d’or et à senestre d’une roue dentée du même.


Penser que si l'on disparaissait à l'instant,
Cela n'inspirerait que de l'indifférence,
Le monde continuant de tourner tout autant,
Sans changer de son orbite la circonférence,

Quelques rares personnes de l'entourage exceptées,
Ne manque pas de nous renvoyer à l'Écclésiaste
Dont les dures sentences nous pourraient déconcerter
Et qu'à bien lire peu de gens seraient enthousiastes.

J'en ai fait, il est vrai, mon livre de chevet ;
Rien tant ne décoiffe l'ego, ni ne le dévêt !
Mais rien n'est plus libératoire, en vérité,

Que d'être détaché du fruit de ses actions,
De n'en tirer ni profit, ni satisfaction.
« Vanité des vanités, tout est vanité. »

Frère Eugène

In vivo 3


Une causerie de Frère Eugène

Blason de Nyitra (ancien comitat du royaume de Hongrie, 10e siècle à 1920)

Jadis, les pouvoirs en place dominaient les corps
Par le fer et le feu et le fracas des armes.
Aujourd'hui, si les scènes ont changé de décor,
L'on continue de voir couler des fleuves de larmes :

De désespoir, car les guerres n'ont pas disparu ;
D'amertume, car les désillusions sont énormes,
Si l'on en croit la figure des gens, dans la rue,
Dont l'air triste nous fait l'effet d'être la norme.

Pourtant, Homo festivus semble bien aller,
Toujours prêt, d'une prime nouveauté, à s'emballer.
Mais là, plus qu'ailleurs, les apparences sont trompeuses.

L'on a beau se vouloir masquer ses compulsions,
Elles n'en relèvent pas moins des plus basiques pulsions.
Une posture n'est pas nécessairement pompeuse.

Frère Eugène


Lire aussi In vivo 1 et In vivo 2

mardi 26 septembre 2017

Senteur automnale


Blason de Athies (Pas-de-Calais)

Ecartelé : au1) et au 4) d’or à la croix ancrée de gueules,
au 2) et 3) d’azur aux deux fleurs de pensée tigées et feuillées d’or en chef
soutenues d’un lys de jardin fleuri de trois pièces, tigé et feuillé d’argent.


Tu as touché de La Lance des Eveilleurs
La Terre, qui de son étrange extase rougit.
Les feuillages ont ce geste d'extrême pudeur,
D'un voile, soupirent, au crépuscule des gazouillis.

Si les fruits sont généreux des grâces exquises,
Les arbres se balancent des douceurs de Ton Amour.
L'air est bon qui frémit des joies de Ton Vestige :
La Saison est joliesse de l'intense Discours.

Bientôt, les brumes des sous-bois enlacent nos pieds.
Oh ! Ton déclin, est à mon âme, Joie effusive !
Il est un pinceau qui se souvient des couleurs.

Chatoiement des pâleurs que suggère un peuplier,
Exhalaison née des semences d'un Semeur,
Les pensées butinent de douceur allusive.

Océan sans rivage

Blason de Méré (Yvelines, Ile-de-France)

D'argent, à la fasce de sable accompagnée de trois pensées d'or au pied feuillé de sinople.

Prose I


Blasons de Beiertheim-Bulach (Karlsruhe, Bade-Wurtemberg, Allemagne)


L'Immobilité éclatante de la lune, l'impassibilité des choses et de la vie... Une chose est sûre : la vie est là.
Je ressens comme une poignante chaleur, le souffle des nuages bleus. Les nuages sont bleus et la lune est seule. Jamais, je n'ai voulu qu'elle soit froide...
Je pense que les hommes derrière leurs ombres passionnées sont insensibles au silence stoïque de la lune. Des grillons, dans la nuit, m'appellent et sous les fougères, j'irai me baigner dans la rosée.
Mon cœur est au diapason... Et puis, si la lune est ronde et suspendue dans la brume glaciale, je ne veux pas le savoir ... La lune est ronde et chaude.
Une boule de feu éteinte, mais d'une passion latente et démoniaque... Voilà pourquoi, les sorcières attendent que la pleine lune soit là, afin de préparer leurs potions magiques.
Pour elles, je n'ai que moue dédaigneuse. La lune est belle, si belle que mon cœur grandit et s'en va la rejoindre.
Je sais bien que je ne puis que de loin l'admirer... Mon cœur piétine de rage et de chagrin iodé.
Si seulement mon cœur était la lune, je serais si loin de tout.
C'est un sacrilège que de vouloir atteindre ma Bien-Aimée !
Il paraît que des hommes y sont allés, et s'en sont-ils bien trouvés ?
Il n'y a pas de miracle en cela, et chacun veut la gloire.
Pourtant, savent-ils qu'ils se trompent ?
Je n'ai pas besoin de la célébrité pédante et illustre...
Je renonce à ces mots.
Ils n'appartiennent pas à mon répertoire.
Je préfère lune, croissant de lune, rousse...
Je préfère beauté, simplicité.
Des yeux brillaient dans le noir, puis rapidement, ils se sont évanouis.
J'ai eu peur.
Pourquoi ai-je eu peur de mes yeux ?
La lune tremblait et fuyait comme derrière une vitre ruisselante...
Je n'aime pas les vitres qui fuient, et malgré tout mon cœur est sur le point de l'être. C'est un sacrilège que de vouloir atteindre ma lune...
Seulement, je ne dis plus rien. Je me tapis dans les fougères et je l'incante.
Oh ! il ne s'agit pas d'une messe funèbre.
Je n'ai pas même de cierge.
J'ai ces petites mains qui s'agrippent aux ronces et s’abîment en ce douloureux corps.
Bien... Bien... Mon amie ! Je serai tout de même proche de toi, en dépit des meurtrissures.
Des vitres ruissellent encore ! Quelle est donc cette célébrité de satellites ?
Une vitre se brise, et un éclat d'amour jaillit des cris stridents de souffrance.
Les nuages font une ronde et t'encerclent, et tu règnes dans toute ta splendeur.
Les reines sont grandioses, et toi, es-tu égoïste ? L'es-tu vraiment ? Je me pose la question.
Tu devrais me répondre !
J'aimerais qu'on me réponde !
Je crois bien que tu es belle et parfaite... Si égoïste, pourtant, non ?
Tu ne réponds pas.
Comment ne réponds-tu pas à celle qui t'adore ?
Comment comprendre ce silence ?
Tu es là.
Ai-je le droit de douter de toi ?
Mon chat est égoïste, je l'aime pourtant !
Je me suis même attachée à lui.
Chaque jour d'avantage !
Les hommes sont égoïstes, parfois même immondes, je suis pourtant à les suivre.
Les suivrai-je ?
Mon cœur vole.
Tant pis !
S'il fallait nous taire, nous péririons.
Crois-moi, l'amour est si fort...


Océan sans rivage (Écrits de jeunesse)

Harpe murmurante


Blason de l'Irlande

Cent millions de bourdons sur les trèfles en fleur ;
C’est ta chanson du jour, pays couvert d’églises,
Une langue ignorée, des mots qu’on subtilise,
Un ciel dont mon regard reflète la pâleur.

Tel celui du bourdon, le murmure du cœur
Se fait à peine entendre au sein des froides brises ;
Harpe sonnant au loin pour une âme indécise,
Au temps où le visage a perdu ses couleurs.

Et moi, j’aime le son de la harpe un peu lasse,
J’aime aussi la façon dont il emplit l’espace,
Pour soulager le mal impossible à guérir.

N’ayez point de souci pour la harpe qui pleure,
C’est ce bel instrument qui rira, tout à l’heure,
Et puis, la poésie ne peut jamais mourir.

Cochonfucius

Blason de Ravilloles (Jura, Franche-Comté)

Taillé : au premier d'or au sapin arraché de sinople, au second
de sinople au bourdon d'or rayé de sable, ailé d'argent.

Les Allégories du Jardin - Le Faucon


Blason de Villers-Faucon (Somme, Hauts-de-France) et de Montfaucon-d'Argonne (Meuse, Lorraine)

Allégorie 16 – Le Faucon

            Le faucon, du milieu de l’enceinte de la chasse, prenant aussitôt la parole :

          Quoique tu sois bien petit, dit-il au rossignol, tes torts sont bien grands : ton chant continuel fatigue les oiseaux, et c’est l’intempérance de ta langue qui attire sur toi le malheur, sans pouvoir te procurer aucun avantage. Ne sais-tu donc pas que les fautes dont la langue se rend coupable, sont précisément ce qui perd l’homme. En effet , sans la mobilité de ta langue indiscrète , on ne t’enlèverait point du milieu de tes compagnons ; on ne te retiendrait point captif dans le séjour étroit d’une cage, et la porte de la délivrance ne serait pas irrévocablement fermée pour toi. Réponds, n’est-ce pas à ta langue que tu dois ces malheurs qui couvrent de honte ton éloquence ! Au contraire, si, me prenant pour modèle, tu imitais ma taciturnité, tu serais alors exempt de reproche , et tu verrais que cette qualité précieuse est compagne de la sûreté. Jette un regard sur moi ; vois comme je suis fidèle aux règles du silence. Que dis-je ! la discrétion même de nia langue fait mon mérite, et l’observation de mes devoirs, ma perfection. Enlevé du désert par force, et emmené malgré moi dans un pays lointain, jamais je ne découvre le fond de ma pensée ; jamais tu ne me verras pleurer sur des vestiges qui me rappelleraient un objet chéri. L’instruction, voilà ce que je recherche dans mon voyage ; aussi mérité-je d’être récompensé toutes les fois qu’on me met à l’épreuve ; car on connaît le proverbe : C’est l’épreuve qui décide si l’on doit honorer ou mépriser quelqu’un. Lorsque mon maître voit la perfidie du temps, il craint que je ne sois en butte à la haine, et il couvre alors ma vue avec le chaperon qu’indiquent ces mots du Coran, N’étends point la vue ; il enlace ma langue avec le lien qu’ont en vue ces paroles du même livre, Ne remue point la langue ; il me serre enfin avec les entraves désignées par cette sentence du même ouvrage, Ne marche par sur la terre avec pétulance. Je souffre d’être ainsi lié, et cependant je ne me plains point des maux que j’endure. Après que le chaperon a longtemps couvert mes yeux, que j’ai reçu les instructions nécessaires, que l’on m’a assez essayé et que j’ai acquis un certain degré d’habileté, mon maître veut m’employer à la chasse, et, me délivrant de mes liens, il me jette, et m’envoie avec le signal indiqué par ces mots du Coran, ou Dieu, s’adressant à Mahomet, lui dit : Nous t’avons envoyé. On n’ôte le chaperon de dessus mes yeux que lorsque je suis en état d’exécuter parfaitement ce qu’on m’a appris ; et c’est alors que les rois deviennent mes serviteurs, et que leur poignet est sous mes pieds orgueilleux.

          J’interdis à ma langue l’excès de la parole, et à mes yeux le spectacle du monde : la mort menaçante, qui, chaque jour, s’avance avec plus de rapidité, me fait oublier les voluptés les plus délicieuses. Je ne m’occupe qu’à prendre les manières des princes, et à me former aux belles actions ; la main du roi est le point de départ de mon vol ; je me dirige vers ma proie, bientôt je la saisis de mes serres victorieuses, et je reviens, au moindre signal, vers celui qui m’a envoyé.
          Par ma vie, voilà quelle doit être la règle de ceux qui s’assujettissent aux lois sacrées de la soumission à la foi.

Al-Muqaddasi


Blasons de Faucon (Vaucluse, Provence) et de Pacé (Ille-et-Vilaine, Bretagne)

Poésie héraldique allemande - Ahlen


Blason de la municipalité de Ahlen (Rhénanie du Nord-Westphalie, Allemagne)

In Rot ein gerundeter silbriger Aal mit Flügeln und goldener Krone.

                                               Alles ist seltsam in der Welt ;
                                               Ich bin Anfang und Ende.
                                               Wasser, das dir vom Auge fällt,
                                               Mörders Scharlachspende
                                               Netzt meine flügligen Hände.
                                               Ich bin der Aal -
                                               Duck' dich, duck' dich.
                                               Gebannt und fahl -
                                               Duck' dich, duck' dich.
                                               Wahrlich.
                                               Ich töt' dich.

                                               Ich feuchte tief einen roten Grund
                                               Mit lieblich schlüpfriger Kühle ;
                                               Quäl' ich lächelnd den Erdschoß wund,
                                               Wackelt zitternd die Mühle.

                                               In Stuben rücken die Stühle.

                                               Gerne beiß' ich in meinen Schwanz,
                                               Sauge am Schleim, dem nassen.
                                               Was ich da tu', ist Allerweltstanz ;
                                               Sie will ihr Endliches fassen.

                                               Und kann sie's nicht, muß sie es lassen.

                                               Einst hüpft' ich nachts vor Wucherers Haus,
                                               Flatternd, doch ohne Füße.
                                               Die Kuppelgreisin kroch meckernd heraus,
                                               Daß meine Krone sie grüße

                                               Und hurte mit meiner Süße.

                                               Nun bin ich in Bildern verwünscht und gefeit -
                                               Über mir rascheln die Ähren -
                                               Und mache nur noch von Zeit zu Zeit
                                               Hirnkranke Kinder gebären.
                                               Mütter werden sie nähren.
                                               Ich bin der Aal -
                                               Duck' dich, duck' dich.
                                               Gebannt und fahl -
                                               Duck' dich, duck' dich.
                                               Wahrlich.
                                               Ich töt' dich. 

À chaque jour suffit sa peine


Une causerie de Frère Eugène

Blason de Wendelstein (Bavière, Allemagne)

À chaque jour suffit sa peine, l'adage est connu (1)
Et on lui peut prêter un très large contenu.
S'il est assez de nos forces pour la tâche présente,
En ajouter la pourrait rendre écrasante.

L'on ne peut pas être au four et au moulin ;
Un jour suit sa veille et précède son lendemain.
Combien de graines semées trop tôt et sans mesure
Ne rapportèrent, aux moissons, qu'une maigre mouture !

Ce que l'on attend n'est jamais sûr d'arriver. (2)
D'un fruitier fleuri sous un printemps trop précoce,
L'on n'aura peut-être à ronger que l'écorce.

Sait-on ce que l'avenir nous peut réserver ?
Ce qui s'offre en l'instant, il faut le bien faire
Et remettre à Dieu le fruit de nos affaires.

Frère Eugène


(1) Ne soyez donc pas en souci pour le lendemain ; car le lendemain aura soin de ce qui le regarde : À chaque jour suffit sa peine.
Évangile selon saint Matthieu, chap. VI, verset 34

(2) Quot mala venerunt non expectat : quam multa nunquam comparuerunt expectata.

(Que de maux sont arrivés, sans qu’ils fussent attendus, et combien ne sont jamais arrivés.)
Sénèque, auteur latin (1er siècle av. J. C.)

lundi 25 septembre 2017

In vivo 2


Blason de Bettens (Canton de Vaud, Suisse)

De quoi te plains-tu sans cesse, homme ? Est-ce de n'avoir
Pas tout ce que tu désires ? Tout ce dont tu rêves ?
Ce gouffre, peux-tu, un seul instant, concevoir
Qu'il ne s'emplira jamais, te laissant nulle trêve ?

Serais-tu à vivre dans le trou d'un moustique
Où tes acquis ne t'inspirent qu'insatisfactions ?
Tu parcours la planète au pas de gymnastique
Pour ne trouver que toi, avec stupéfaction.

Alors, tu récidives et cours encore plus vite
Car, le temps filant, il faut que tu en profites,
N'envisageant la vie qu'en terme de plaisirs.

De déambulations en déambulatoire,
L'existence n'aura été que circulatoire,
Jusqu'à ce que, enfin, la mort te vienne saisir.

Frère Eugène


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