Après plusieurs jours de marche, qui lui semblèrent interminables, Franck se retrouva face à un immense château.
Il voulut le contourner, mais la boussole lui indiquait obstinément cette haute demeure, perdue au milieu d'un étrange vallon.
Il remarqua que des algues géantes encerclaient le Donjon.
Il ne s'agissait nullement de lianes.
Il en était sûr.
Elles étaient teintées du même bleu turquoise que le cadran de la Boussole.
Le lutin crut voir ondoyer une lumière de même couleur tout le long de la tour.
Il lui sembla que des coquillages luminescents y étaient incrustés.
Franck s'approcha de l'immense voûte qui surplombait une impressionnante porte en bois.
A sa grande surprise, celle-ci s'ouvrit en faisant un bruit sourd.
Un frisson parcourut l'échine de notre ami.
Que devait-il faire ?
Il crut entendre une injonction.
On lui intima l'ordre d'entrer.
Sans pouvoir résister à cet appel, Franck avança.
Il traversa un long couloir humide et froid avant de se retrouver face à l'escalier en pierre.
Celui-ci était éclairé par des torches.
Il se mit à gravir les escaliers avec beaucoup de peine.
Lorsqu'il arriva à l'étage, il entendit une voix qui semblait discourir.
- Je t'ai dit de ne plus jamais laisser cette échelle au beau milieu de la chambre !
Combien de fois avons-nous échappé de justesse aux irréductibles.
Maintenant, je suis obligé de fabriquer le Joyau rare qui servira de diadème à l'Empereur.
La petite fille aux pieds nus a de nouveau perdu ses poussières de Lune Rose.
Voyons, comment pouvons-nous remédier à cela ?
Je vais lui ouvrir un passage secret à travers la route des marchands de cristaux.
Je n'envisage pas d'autres solutions pour le moment.
Cela fait trop longtemps qu'elle pleure.
Il lui faut voir les lueurs de l'espoir.
Chacune de ses larmes est maintenant une perle de corail.
Je m'afflige de la voir refuser les soupirants qui lui propose leur Royaume.
Ils n'ont rien compris.
Pensent-ils qu'une si petite fille puisse agréer leur Palais ?
Ils savent parfaitement que Léna est nostalgique de son Pays d'Origine.
Franck entra sans se faire annoncer.
- Qui cherche donc son Pays d'origine ? Est-ce de ma Lutine dont tu parles ?
C'est alors que le lutin-elfe réalisa qu'il avait enfreint tous les bons usages et qu'il s'était introduit avec brusquerie, dans la pièce.
Il découvrit un jeune garçon penché sur un livre qu'il était à scruter avec beaucoup d'attention.
L'enfant était complètement absorbé par cet étrange recueil dont les pages se mouvaient tel un lac.
Franck vit que les images flottaient.
Était-ce un miroir ?
Franck toussota et se présenta :
- Je suis Franck, le lutin-elfe de la forêt des deux Arches.
La porte de ton château s'est ouverte à mon approche et j'ai entendu une voix m'inviter à entrer.
Le garçon restait silencieux et semblait suivre une scène avec beaucoup d'intérêt.
Soudain, il leva la tête et apostropha le Lutin :
- Entre, Franck. Tu es le bienvenu. Je t'attendais.
Franck fut comme hypnotisé par les yeux clairs de cet enfant singulier.
- Je me nomme Nathanaël. Contrairement aux apparences, je ne suis pas un petit d'homme.
J'appartiens au peuple de La Montagne Bleue. Je vis ici depuis des milliers d'années.
Pourtant, c'est toi que j'attendais.
Nathanaël se pencha de nouveau sur les pages du Livre.
- Il n'est pas impossible que Léna finisse par comprendre que l'un de ses soupirants soit celui qui sera à même de la protéger et de la mener en lieu sûr.
Ces irréductibles sont de deux sortes : les uns sont des proscrits, et les autres ont encore quelques souvenirs. Accordons-leur une rémission !
Je suis certain qu'ils finiront par retrouver le soupirail des élémentaux. C'est à cette seule condition qu'ils pourront retrouver un semblant de leur intégrité humaine.
Pour le moment, ils errent comme des fantômes dans les couloirs de l'entre-deux-mondes. Faut-ils qu'ils comprennent que chaque jour est un nouveau jour et que même balbutiants, ils peuvent renouer avec la brèche des discours de La Clémence ? Je vais leur envoyer Athanor, car il est le seul à pouvoir leur enseigner les règles de la transformation latente.
Les vieux procédés sont toujours les meilleurs. Ha Ha. Je le savais !
Toutes ces activités cérébrales sont le lieu de La Quintessence. Chaque millième de secondes occupe un espace sidéral. Le mieux c'est de leur donner assez de force pour qu'ils entrent en cet autre espace que je ne vais pas encore nommer. Apprenons-leur qu'ils sont aussi cette belle énergie reliée à la plus ancienne souche de leur origine.
Nathanaël releva la tête et sourit :
- Ne t'inquiète pas Franck, je suis certes très occupé, mais je suis aussi avec toi. Il faut que je clos ce premier chapitre. Tout avance à une allure si rapide.
Te rends-tu compte qu'en dépit des années qui s’amoncellent, je dois apprendre encore à maîtriser le feu.
Tandis que parfois, c'est la lumière qui me bouscule. Elle va si vite que je suis contraint de la rattraper. Il me faut sans cesse la devancer. C'est comme si je me déplaçais sur un cheval Céleste. Le connais-tu ? Il est irradiant d'Amour. Nul ne peut le chevaucher sans parvenir à acquérir son intense vibration.
- Nathanaël, je suis à la recherche de mon amie Lutine qui s'en retourne vers son pays d'Origine. Cette Léna dont tu parles, est aussi à la recherche de son Pays Natal. Peux-tu m'en dire d'avantage ? osa formuler Franck qui ne comprenait pas un traite mot des propos de ce garçon.
- Lutine est une Léna qui se cherche. Toutes les Léna ont des origines lunaires. Pourtant, il y a autant de Lunes que de Léna. Toutes les Léna ne sont pas des Lutines. Il existe aussi de nombreux Lutins, gnomes et fils d'homme qui aspirent à retrouver Cette Origine. La Porte des secrets s'est ouverte en eux. Ils doivent avancer pas à pas. Car ils doivent traverser de nombreux pays avant de pouvoir retrouver celui qui est le leur.
- Toi-même, as-tu entendu La Voix du Roi ? interrogea Franck.
- Assurément. Nous sommes tous des voyageurs. Mais la plupart des gens ne le savent plus. Ils avancent comme des aveugles. Cependant, ils avancent. C'est le paradoxe !
- Je n'ai jamais entendu cette voix ! Je suis certainement un gros benêt ! s'exclama Franck.
- Ha ha ! Franck ! Tu es extraordinaire ! Je vais te confier ce secret : je te le dis en vérité, tu as entendu la voix du Roi. Seulement, tu ne sais pas encore la discerner. Je pense que cela ne saurait tarder ! Je le vois, tu es le plus obstiné des obstinés. J'aime beaucoup cette force en toi.
- Je n'ai jamais été courageux. J'ai toujours aimé m'amuser. Pourtant, le jour où Lutine est arrivée au village, je ne sais pas ce qui s'est passé. Je n'ai plus vécu comme avant.
- Félicitation !
- Comment ? demanda ahuri notre héros.
- Je vais t'apprendre quelques petites choses et tu pourras continuer ton périple.
- Je n'ai pas le temps d'apprendre quoi que ce soit. Chaque jour qui passe m'éloigne de Lutine d'avantage.
- Aie confiance en moi. Je t'aiderai à plier le temps et l'espace qui se seront écoulés en ma compagnie.
Reste encore ici et je te dirai comment retrouver Lutine.
- Non, merci. Je n'ai pas le cœur à rester, rétorqua le lutin, le temps de mon cœur n'a aucune mesure. Je dois le suivre ! J'ai trop mal.
- Bien comme tu le veux Franck. je te suivrai grâce à mon Livre Magique. Bonne chance l'ami.
Nathanaël baissa de nouveau la tête et reprit son élocution mystérieuse.
- Il n'est de temps qu'en ce vague instant. Le sourire d'un cœur est une valeur inestimable. Si l'on trouble ses aspirations, alors, le temps échappe à toute instance. Vous, les irréductibles, je ne gage pas de votre victoire sur les tendres. Il est une clarté du jour qui imbibe l'esprit et lui donne sa pleine vivacité. Soyons prêt à dresser cette barrière contre les poursuivants inlassables. Les mers ont unifié les flux de leur contradiction. Si un Rocher devient cristal, alors les souvenirs ont cette limpidité. Ne pleure plus Léna, car vois-tu, ton Aimé, te cherche tel le plus vaillant des Amants...
Franck referma la porte et dévala cette fois-ci les escaliers.
Ma Lutine, je ne t'ai pas oubliée.
Je cours vers toi et peu m'importe ces moments passés.
Je vais les plier seul.
Mon Désir est Ardent !
Océan sans rivage
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