L'usage
de la métaphore est vieux comme le monde... Les mules se font rares
mais on est toujours aussi entêté. Il n'y a plus de sorcières - croit-on -
mais la méchanceté fait des progrès chaque jour. De même, l'usage des
bonnets de nuit s'est perdu mais la tristesse ne s'est jamais si bien
portée.
Affamé comme un ogre
Être
affamé comme un ogre suppose qu'on l'est au point de manger de la chair
fraîche, de préférence celle des enfants, plus tendre... Cette
hyperbole est sortie de l'usage et a été remplacée par la métaphore non
moins sanglante « j'ai une une faim de loup » ou par cette considération
plus anatomique « j'ai l'estomac dans les talons » mais quelque peu
contradictoire puisqu'un estomac vide - et donc léger - aurait plutôt
tendance à flotter qu'à tomber si lourdement et si bas.
Bruyant comme un tonneau vide
Un
proverbe juif dit que les tonneaux vides font le plus de bruit. C'est
vrai, plus une personne est bête, plus elle est bruyante. Moins on a de
confiture et plus on l'étale. Notre époque et ses médias de masse
offrent une caisse de résonance sans pareille à tous ceux qui sont
frappés d'aérocéphalée. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose.
Entêté comme un âne
Têtu
comme un âne ou entêté comme une mule, c'est kif kif bourricot. On
traite quelqu'un d'obstiné de « bourrique ». Mais ce n'est pas
nécessairement négatif comme attitude. Surtout quand on sait ce qu'on
veut et qu'autrui essaie de nous en détourner. Mais parfois on croit
savoir. Comme dans la chanson de Gabin. Du reste, on est toujours la
mule de quelqu'un.
Fainéant comme une couleuvre
Fainéant
comme une couleuvre... dont on sait qu'elle aime bien se lover au
soleil pour réchauffer son sang froid. Ce n'est pas de la fainéantise
mais de la survie. On prête à la gent animale des qualités et des
défauts propres à l'espèce humaine. La paresse procède d'un manque de
courage, c'est-à-dire de cœur à l'ouvrage. Courage et cœur ont la même
racine étymologique. Le paresseux manquerait donc de cœur ?
L'esclavagisme est à la confluence de deux cours : la cupidité et la
paresse. C'est une alliance funeste à laquelle nous devons les frasques
et les horreurs de l'Histoire. Les causes sont toujours basiques.
Gonflé comme une outre
Gonflé comme une outre se dit de quelqu'un qui a bu plus que de raison. « Outre » vient du latin uter.
C'est un sac en peau de bouc, de chèvre, de cochon, de bœuf ou de veau –
selon les régions - cousu par un bout et dont toutes les coutures
étaient soigneusement bouchées avec de la poix, de manière que l’on pût y
renfermer des liquides, ou le gonfler d’air. C'est dans une telle outre
que le dieu Éole a enfermé les vents contraires avant de l'offrir à
Ulysse. Sauf que le personnage de l'illustration ci-dessus tient
davantage d'un Bacchus que d'un Éole...
Gourmand comme un chat
Gourmand
comme un chat... au sens d'être amateur, voire avide de choses
friandes. Les confiseries par exemple... Une envie de sucré dénote
souvent un besoin de douceur. Par manque d'affection ou de tendresse...
Mais c'est le plus souvent inconscient.
Laid comme un singe
Laid
comme un singe... Tout dépend du singe. Certains sont plutôt mignons.
C'est sans doute la figure anthropomorphique ce cet animal qui lui a
valu de servir de métaphore pour qualifier une figure disgracieuse.
Maigre comme un clou
Maigre
comme un clou... se dit d'un garçon ou d'un homme dont la maigreur est
telle que l'on pourrait jouer du xylophone sur les côtes saillantes.
D'une femme, on dit plutôt « plate comme une planche », sous-entendant
chez elle sinon l'absence, du moins le manque de poitrine. Pourtant, une
femme grosse sans poitrine ne se fera jamais traiter de planche...
C'est quelque part injuste.
Méchante comme une vieille sorcière
Méchante
comme une vieille sorcière... C'est drôle, on ne dit jamais « méchant
comme un vieux sorcier »... Pourtant, il y eut de bonnes sorcières : les
gentilles fées. Généralement, les méchantes sorcières sont aussi
laides. Mais elles ne seront jamais aussi méchantes qu'une jeune et
belle sorcière peut l'être. Beauté et méchanceté forment un accouplement
monstrueux. La beauté peut être hideuse.
Noir comme un charbonnier
Noir
comme un charbonnier... Il n'y a plus de charbonniers qui descendent
les sacs de charbon dans la cave. L'expression est sortie de l'usage
avec l'arrivée du chauffage central et électrique.
Pâle comme un cierge
Pâle
comme un cierge... pour exprimer l'extrême pâleur de quelqu'un. On dit
aussi et surtout « blanc comme un linge » ou « blanc comme neige »
Le nez moqueur, la bouche railleuse,
Les yeux baissés faussement ingénus,
Le front frissant de cheveux ténus
Qui s'envolent en toison broussailleuse,
L'air pur, joyeux, et pourtant pensif
Que le Sanzio donnait à ses vierges,
Blonde et pâle, pâle comme un cierge,
Blonde comme un rais de soleil furtif,
Est-ce bien elle ? Est-ce bien la même
Qui chantait, riait et dansait hier ?
Ah ! mon pauvre cœur, tu n'es pas fier
Ni sage, voilà déjà que tu l'aimes.
Et que son sourire caressant
T'as pris, et son œil baissé qui s'attarde,
Et sa candeur de sainte... prends garde,
Ses yeux baissés lisent du Maupassant.
Amédée Rouquès, Croquis, dans Le Banquet n° 1 de mars1892
Note : le Sanzio est le nom du peintre Raphaël (1483-1520)
Prodigue comme un panier percé
Prodigue
comme un panier percé... La prodigalité n'est pas la générosité. C'est
une désinvolture. Une sorte de fanfaronnade. Le prodigue veut épater. Il
aime faire son bon prince. Mais il lui manque la noblesse. La vraie
générosité est toujours discrète.
Solide comme le Pont-Neuf
Solide
comme le Pont-Neuf... C'est vrai qu'il a l'air solide. Sans doute
l'expression date-t-elle de l'époque de sa construction (XVIe siècle),
où l'ouvrage en imposait par rapport à ce qui s'était fait avant. Il en
impose toujours. Et puis Henri IV veille sur lui...
Soumis comme un caniche
Soumis
comme un caniche... Je n'ai jamais entendu cette expression. Ce ne sont
pourtant pas les caniches qui manquent à Paris. J'ai plutôt
l'impression que ce sont les « maîtresses » qui sont soumises à leurs
caniches... qui prennent parfois des airs de collets montés. Avec
toujours ce côté tarte dont les chiens ne peuvent jamais vraiment se
départir.
Triste comme un bonnet de nuit
Triste comme un bonnet de nuit... Encore un accessoire sorti de l'usage, comme la chemise nuit. Mais pourquoi un bonnet de nuit inspirerait-il la tristesse ? Certaines interprétations voient dans cette expression une forme réduite d’un dicton du XVIIème siècle, à savoir « triste comme un bonnet de nuit sans coiffe », exprimant l’idée d’esseulement et d’abandon, la coiffe étant une métaphore désignant la compagne et la fidèle moitié à la fois du bonnet de nuit et par conséquent de l'homme. Alors oui, tout s'explique : un bonnet de nuit sans coiffe, ça peut être triste.
Vieux comme le monde
Vieux comme le monde... désigne à la fois un âge canonique,
c'est-à-dire très avancé, et l'idée de grande ancienneté d'une chose.
D'avant le déluge en tous les cas.
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