Blason de Roßtal
(Bavière, Allemagne) *
Ma
chère Mado, quand un pouvoir n'a plus de légitimité, il devient
proprement inauthentique et ne fait donc plus autorité. C'est à
cause de cela, justement et paradoxalement, qu'il devient
autoritaire, avant de basculer tout à fait dans la dictature.
Peut-être penses-tu que je parle des temps passés ou de quelque
république bananière d'un lointain tropique ? Détrompe-toi et
suis mon regard car nous sommes servis à domicile ! Je sais
bien qu'il t'est génétiquement impossible de l'imaginer car, en
dépit de tripoter un Iphone dernier cri (produit d'une société
dont le fondateur rêve de nous pucer par vaccin interposé), dans ta
tête c'est encore les années soixante, avec l'avènement de la
machine à laver, du téléviseur, de la cuisine formica, de la
voiture individuelle généralisée et envahissante, des supermarchés et du bronzage
sur les plages, sous l'égide complaisante d'un régime déjà
roublard, certes, mais encore bon papa et un peu chahuté, sur sa
fin, par des révolutionnaires d'opérette, sur fond de variétés
télévisées et de musiques yéyé, aussi niaises, au demeurant, que
les chansonnettes nasillardes du temps de la TSF, le Club Dorothée,
Dimanche Martin et le Juste Prix ayant achevé, durant les deux
décennies suivantes, d'infantiliser ceux que de Gaulle qualifiait
déjà de veaux et que l'on découvre aujourd'hui mûrs pour
l'abattoir. L'avènement d'homo festivus viendra poser là-dessus ses
scellées que le politiquement correct et la bienpensance, armés de
terrorisme intellectuel, souderont durablement. Assez, du moins, pour
castrer les cerveaux et laisser ainsi le champ libre à la grande
braderie du pays à laquelle l'arrière-garde actuellement aux
commandes veut donner la touche finale. Bon, je prends
quelques raccourcis mais c'est bien assez pour illustrer le propos et
le résultat est le même.
Ma
chère Mado, demain peut-être, ne pourrai-je plus t'écrire sur ce
ton libre et décomplexé qu'est le mien car la censure nous guette.
Je leur fais confiance pour réinventer la lettre de cachet, sauf que
la Bastille est désormais dans les têtes. C'était couru. Aussi,
que s'avise-t-on d'avoir l'insolence d'une pensée divergente à une
époque où l'uniformité est de rigueur ! Et que s'avise-t-on,
par ailleurs, d'être en bonne santé ou d'administrer des remèdes
simples et peu coûteux qui menacent gravement le marché immensément
juteux du médicament ! Les adorateurs du Veau d'or mugissant
n'entendent pas se laisser damer le pion et sont prêts à mettre la
planète à feu et à sang pour conserver leurs richesses et leurs
privilèges.
Il
faudra nettoyer les écuries d'Augias
Pour
nous débarrasser de tous leurs immondices ;
Ensuite
procéder à une révision Midas
Des
institutions qui, selon tous les indices,
Sont
dans un état avancé de congestion.
Autant
dire que l'affaire tient des travaux d'Hercule.
Qui
voudra s'y atteler ? Telle est la question.
Ça
promet de chauffer pour certains matricules
Car
sentant que tôt ou tard ils vont dérouiller,
Ils
s'empressent de tout museler et verrouiller.
Mille
cinq cents ans d'histoire pour en arriver là !
Je
ne parle pas même de la Révolution
Dont
les idéaux connurent la dissolution,
D'abord
sous la Terreur puis sous le Consulat.
Le
Spectre à trois faces
*
Note : Roßtal,
en allemand, signifie littéralement« écurie ». Le
blason de cette cité bavaroise, qui montre un cheval sortant (ou
issant, en langage héraldique) d'une église ou d'une chapelle, fait
donc allusion à la période révolutionnaire où certains édifices
religieux furent effectivement transformés en écuries.
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