Terre de
mon enfance, partout où je suis allé,
Je t'ai
emmenée, tel un précieux viatique
Pour
traverser de ce monde les sombres allées.
Tu étais
mon Arcadie ; tu fus mon Attique.
Peut-être
t'ai-je ingénument idyllisée ?
Pourtant,
quand j'étais las de courir les chimères
D'un monde
qui prétendait me désarriériser,
Tu
m'accueillais sans condition, comme fait une mère.
La ligne
bleue des Vosges ceinturait l'horizon.
Si elle
rassurait l'enfant, elle étouffait l'homme
Qui se
voulait faire de mille expériences la somme.
Ce milieu
de nulle part devint comme une prison.
L'herbe
n'était pas assez ou peut-être trop verte.
J'eus beau
claquer la porte, toujours elle s'est rouverte.
À
ces vendus qui ont navré nos terres d'enfance
Et qui
sont partis de ce monde sans repentance ;
À
leurs laquais, qui les tenaient pour grands seigneurs,
Couteaux
de seconde main mais très zélés saigneurs,
Sachez :
vous ne renaîtrez que sur terrains vagues
Et
aurez à lutter pour le moindre brin d'herbe ;
Vos
mers seront d'huile, à jamais stériles de vagues,
Et vos
pavillons pendront comme chiffons, sans superbe.
Traîtres
et apatrides qui sortiez de nos rangs,
Vous
disant des nôtres, aimant le faire accroire,
Sachant
donner le change et vous porter garants ;
Enfants
du pays dont vous profaniez le sol,
Bradant
ses terres et pourfendant son territoire,
Vous
étiez hors de tout d'avoir vécu hors-sol.
Dans le
fond, ce n'étaient que des agents obscurs,
Des
voltigeurs en traîne de la cinquième colonne,
Dans le
genre idiots utiles dont l'Histoire n'a cure ;
Des hommes
sans conscience qui font ce qu'on leur ordonne.
Croyant
que tout progrès réside dans le nouveau,
Le
modernisme valait parole d'évangile.
Ayant
perdu, avec le vrai, le sens du beau,
Ils
tinrent le plastique pour supérieur à l'argile.
Sachez :
la Nature vomira vos abjections
Et vous
fera ravaler toutes vos déjections,
Sans
qu'il soit retranché un seul grain de poussière.
Cet
héritage est vôtre dans vos mondes prochains.
Vous
vous crûtes des géants, vous n'étiez que des nains
Dont la
vue avait l'étendue de vos œillères.
Sachez :
Je vous chasse de ma mémoire, pour toujours.
Déjà
les brumes du passé estompent vos visages.
Qu'avais-je
à faire de vous, le long des stériles jours ?
Et que
demeurera-t-il de votre passage ?
Des
arbres arrachés, des rivières rectifiées,
Après
avoir démoli les vieux corps de ferme,
Démembré
les terres par le bitume scarifiées,
Avec la
liquidation totale pour seul terme.
Je ne
veux plus dans aucun monde vous retrouver.
La
vraie terre, c'est en moi-même que je l'ai trouvée.
Vous le
dois-je ? Non, vous n'étiez que des auxiliaires,
Une
sorte de cow-boys de la tôle ondulée
Qui
avez fait de moi un Indien acculé.
Abdiquer
c'était monter dans la bétaillère.
C'est
là mon testament moral vous concernant
Car
il fallait bien en finir de cette histoire
Qui
remonte à des temps à jamais consternants
Et
dont ces mots conserveront la juste mémoire.
Je
l'écris en pleine possession de mes moyens,
Sain
de corps et d'esprit, sans aucune amertume
Et
sans plus nourrir de rancœur, Dieu m'est témoin.
Maints
d'entre-vous le liront à titre posthume
Et
quelques uns peut-être encore de leur vivant.
Peu
m'importe désormais, ce n'est plus mon affaire.
Comme
dit le proverbe, autant en emporte le vent !
C'est
la terre intérieure qu'il me faut cultiver.
Entendez
bien : recommencer n'est pas refaire
Mais
rétablir un ordre, sans plus dériver.
Marc
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