Blason de la famille Fluri (Berne, Suisse, 1910)
Depuis toutes ces années, les seules qui ne sont plus comptées dans le fond, puisque le Temps quelque part
s’est arrêté, car le temps qui semble s’écouler est devenu quelques
grains dans un sablier, or, depuis toutes ces années, la vie a tracé son
chemin. Étrangement, le sablier est à me rappeler la réalité
renversante du Temps. Éternel mouvement ! Choisissons-nous d’être ?
Choisissons-nous ce qui se donne à Être ? La réponse est OUI sans aucune
hésitation. Nous sommes loin de saisir cette vérité supra-naturelle,
antécédente à notre prise de conscience actuelle, c’est-à-dire à notre
Remembrance. Je tairai les traversées houleuses et préparatrices somme
toute à la suite des événements. Je les tairai car, que sont-elles si ce
n’est un long couloir au sein même d’un tunnel ? Une étape parmi
d’autres étapes. J’ai déjà évoqué un épisode clé de ma vie, qui a été le
Signe indubitable, puisque je n’ai pas pu ne pas reconnaître.
Je vivais alors certains troubles, à cause d’interprétations qui me
mettaient en souffrance : je ne comprenais pas que l’on n’aspire pas à
VIVRE exactement notre intériorité, notre Souffle. Non, je ne
comprenais plus rien à cette mécanique approbation, à cet alignement
journalier et consenti d’une routine exclusivement consommatrice. Depuis
toujours j’avais soif de connaissance et depuis toujours je vivais une
extension dilatatoire qui me donnait à des perceptions singulières et
m’exilaient de mes semblables. Même les croyants que je côtoyais me
semblaient décalés de leur foi. Je restais souvent en retrait,
m’abreuvant ici ou là de quelques gorgées… lumineuses. Je remercie Le
Seigneur d’avoir donné à mon corps et à mon esprit une disposition innée
à la lenteur. Je remercie Dieu de m’avoir saisie durant mon enfance et de m’avoir maintenue en cette prise d’otage. Je n’ai pas cru en Dieu. Il S’est cru en moi.
Il m’a toujours devancé et donné à Sa Présence. J’en témoigne haut et
fort. Je n’ai pas reçu véritablement d’éducation religieuse. Nous étions
souvent livrés mes frères et moi à une vie sauvage, tout en étant
ordonnée. Je suis l’aînée d’une petite fratrie, et j’ai vécu après notre
départ de Paris, dans une ville qui était encore, à l’époque, ce que
l’on appelle la campagne. Pourtant, j’ai d’abord ouvert les yeux à
Paris. J’ai bu à son eau, et respiré son vieil air ancien. Paris est en
moi, en cette Conscience du regard. Paris est atemporel, définitivement.
Naître dans la capitale c’est toute une mémoire qui s’éveille et dont
on hérite même inconsciemment. Tous les moments de ma petite enfance
s’impriment en un monde quasiment clos et paradoxalement gigantesque.
Paris danse encore dans le cœur d’une petite fille. Tout m’a toujours
fasciné. Le temps épousait mon souffle et en ce silence, en cette apnée,
j’étais presque goulue de La Conscience. Celle-ci m’effleurait
délicatement d’une Présence qui me donnait à l’exaltation. Paris
grandissait du battement de mon cœur, et mes yeux s’imbibaient de chaque
détail. Dieu est Joie qui nous inonde allègrement, au cœur même de
Paris. Dieu a joué avec la petite fille dans une ville émerveillée de
légèreté, compagnée d’un bout de Seine et d’un bout de ciel aussi…
Océan sans rivage, Genèse d'une rupture
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