Mon du clan Maruni Umenoji
Livre 39
Toute activité est une contemplation que l’on a souvent occultée par la hâte et l’affairisme. La lenteur est le prodige d’une minutie qui se concentre encore et encore sans que l’on puisse jamais mesurer le don en cet acte. Toute contemplation est aussi activité en la non-activité, comme si le temps devenait Le Seul Moment, l’Unique, L’Éternel. Telle est La Réalité des Épousailles. Une pratique assidue, constante, précise de cette méditation ouvre la porte aux miracles de La Joie, de La Paix et de La pleine Mansuétude. Ce sont là des qualités qui se révèlent et se cristallisent à tout jamais en La Lumière de L’Être, sans que celui-ci ne soit à détourner la moindre de ces attributions en se les appropriant et en faisant d'elle son profit personnel. La compagnie de mon maître a eu des effets prodigieux sur mon être. Parfois, cela se traduisait par des secousses phénoménales. Il se passait cette chose notable : je n’étais plus moi. Je n’étais plus rien. Mon Maître me disait : « Tu es à cuire et à recuire. » Il avait mille fois raisons. Il me disait : « Sans Amour, La Voie est sèche. Elle est impraticable. » Seule l’intensité de L’Amour peut nous maintenir en cette aspiration. Si tu souffres, L’Amour couvre tes blessures. L’Amour te délivre de toutes les aliénations de ton moi et te rend à toi-même. Que peut un initié s’il n’est pas en cette confiance absolue ? S’il doute, il sera à vivre son poison qui finira par le ronger inévitablement et assombrir sa destinée. Si, au contraire, le fiel du doute ne le touche pas, sa poitrine s’élargira du feu rayonnant de L’Amour. Ce feu ne brûle pas. Il résout les imperfections de la vision en consumant uniquement les impuretés et a ce pouvoir alchimique d’unifier les éléments épars de l’être en les concentrant en une Sphère de joie. Celui qui se met en marche consciemment, en ce désir ardent de trouver La Délivrance, passera par les épreuves de l’abstinence et celles de la pauvreté. Il n’est pas toujours nécessaire de jeûner, ni de prier continuellement pour y parvenir. Du reste, celui qui prétend être parvenu par le biais de ses œuvres rend compte de sa supercherie. Il est une Conscience qui nous donne à La Connaissance et Elle est en Sa toute Réalité L’Éclosion de L’Évidence. Mon maître m’avait bien prévenu : « Ce que tu trouveras ici n’est rien autre que toi-même. Sache que ce que tu es, est déjà là. » L’Évidence est semblable à une somme de pages que l’on tourne au gré du vent, et aucune ne se contredit, quand bien même l’instant ressemble à l’autre, tout en lui étant différent. Ce Bruissement furtif est semblable au soupir de L’Âme qui respire entre deux apnées. La Première révèle L’Unité, tandis que la seconde, qui semble la défaire, renforce et stabilise cette Unité. Ô fils aimé, tu comprendras alors ce que veut dire Un. Ton rêve se repose au Souffle de L’Un. Il n’est de division qu’en l’apparence.
Mon du clan Torii Tomoe Kakine
Livre 40
Ce qui s’amorce est rarement à se défaire, surtout si ce qui
se lie est en cette Verticale. Peu sont à comprendre ce que cette
Echelle signifie réellement. Qu’importe ! Chacun doit apprendre à
se taire face à ce qui le contrarie. Car la contrariété est signe
d’ignorance. Un Sage est indifférent aux critiques comme aux
éloges. Il n’a nullement besoin de se nourrir à cette écuelle.
Aujourd’hui, l’on se cherche moult reconnaissances, triviales au
demeurant. Puis, l’on s’aperçoit que l’on finit seul. Les
désagréments dus à la solitude sont à révéler le vide des
hommes – à ne pas confondre avec la vacuité qui est La Plénitude
absolue. Se rassurer en la quantité physique de l’autre est une
faiblesse et un fondamental déni de ce dernier, que le Samouraï ne
connaît pas. Il n’a pas cette tentation, puisque son Art sert
avant tout les autres et non lui-même. Il est en cette convivialité
avec l’autre parce que l’autre représente sa propre réalité
révérencielle. Le Samouraï ne se connaît pas d’angoisse, ni de
désir compensatoire, car, il remet jour après jour sa vie en la
conscience de La Présence Reliante. Autrement dit, il meurt chaque
jour de son moi, sans le voir autrement que comme un ruisseau qui
s’écoule lentement, en un mouvement, qui tout en semblant
aléatoire, est en vérité L’Évidence qui le donne à La Vision
pérenne. Lors, le ruisseau devient les clapotis qui chantent la
poésie du Retour. Le cheminement est si subtil que nous mettons des
années à nous rendre compte des effets de celui-ci. Chacun sera à
récolter les fruits d’une semence qui est de nature pré-éternelle,
une semence qui parle de son périple depuis L’Origine. Rien de
plus ! Lors, celui qui sait que Cela n’est pas de lui, ne peut
s’égarer, car le moi anéanti ne peut se gargariser de rien, tout
au plus est-il à rire de la vanité de son ignorance. Il n’est
jamais dupe et souvent dans l’auto-dérision. La servante fut
installée dans une aile du palais impérial. Nul ne put s’opposer
à ces fiançailles. La nouvelle fit le tour de l’empire. Les
humbles y virent un miracle et une beauté sans pareille ; les
notables s’offusquèrent mais ne purent influencer de leurs mots
insidieux la détermination du Prince. Quant à L’Empereur, il rit.
Son fils était guéri. Cela suffisait à lui donner la joie. L’on
apprit bien plus tard que la servante était issue d’une haute
lignée. Elle avait maintenu son anonymat dans le seul but de gagner
le cœur du Prince en l’amenant à sa sincérité la plus profonde
et la plus absolue. « Qu’importe de connaître son lignage
temporel, finit-elle par dire un soir, il n’en est qu’un,
véritablement, et celui-ci relève de L’Esprit. L’Âme rencontre
L’Âme. En Elle, mille palais qui incessamment se font et se
défont, tandis que Les Jardins se déploient des promenades du Temps
qui ne jamais s’épuise ! »
© Océan sans rivage, La Voie du Samouraï
Se lit aussi sur Naissance et connaissance
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire