Mon du clan Kyoko
Livre 41
La plupart des gens mènent une vie sociale très rudimentaire. Ils ne se rendent même plus compte de l’enfermement dans lequel, peu à peu, ils s’installent. Ils s’auto-satisfont d’une situation qui leur apparaît comme nettement meilleure que celle du passé. Or, que signifie d’être réduit à une vie purement matérialiste ? Très peu de gens cherchent à se connaître, à comprendre leur passage sur cette terre et le sens de leur existenciation. J’ai observé lentement les familles qui font toutes les mêmes gestes et qui vivent toutes de la même manière, depuis le lever du jour jusqu’à son coucher. Pourtant, très peu s’arrêtent vraiment et contemplent cette vie en sa lumière. Que font-ils ? Ils imitent. Sans doute cela les rassurent-ils... La singularité réside précisément en ce temps qui se suspend, c’est-à-dire en ce Temps du Réel. L’enfant joue, absorbé par les dix doigts qu’il fait valser tel un langoureux langage qui lui serait à la fois mystérieux et familier. Ô Samouraï ! Observe sa ténacité au bout de ses doigts qui dansent. Fixe-toi à son regard émerveillé. Il découvre ce qu’il reconnaît et s’y tient en une minutie que tu ne peux manquer de reconnaître, entre tout entier en ce moment de Sa Souvenance, car elle est tienne et s’éveille de cette solarité du regard vierge. Toute appréhension disparaît en cette danse. Tu ne peux le distraire de Son Œuvre de gratitude. Son cœur renoue avec l’intensité de Son Souvenir. Telle est La Mémoire vive qui se donne plénière en sa plénitude. Le Temps ne l’occupe pas. Le Temps est Son Horloge intériorisée. Elle est Sa Lumière absorbante. Elle est Sa Lune qui lui redonne, à Sa Lecture irisée, les lectures lunaires de Son Souffle aligné en L’Éternité. L’Âme est cette enfant qui se retrouve en cette évidence vidée d’elle, de sa toute confusion, et recentrée au centre de Sa Vacuité. L’Enfant est le fils de son instant. Il n’en a pas encore le langage. Il est juste à s’éveiller d’un long voyage. Plus tard, l’enfant se promène en lui des instants de l’espace qu’on lui donne. Il est assis au fond d’une cour et se laisse bercer par les effluves du vent qui avive son être. L’Être est en Sa Totalisante Présence. Sans mots, juste en ces élocutions qui se cherchent en L’Intelligible, puis, qui l’imprègnent toujours de cet indicible. Lors, il se met en marche en la langueur qui le touche et le compénètre tout entier. Il repose savamment tous ces silences, en offrande, devant L’Océan qui vibre de mille vagues qui se heurtent et s’unifient soudain dans la magie d’un élan. S’il n’avait cette nostalgie, il ne serait pas en cette Quête de L’Innommable, il ne serait pas comme arrêté par une main invisible, celle qui danse en lui depuis l’origine.
Livre 42
Le monde se fige des compulsions de l’oubli qui hoquette sans comprendre que, chaque contradiction, chaque déni, annoncent une forme de renoncement, le renoncement à cette vie, la vraie vie, c’est-à-dire à lui-même. Beaucoup s’imaginent que la transition est une sorte de fatalité. D’autres se heurtent à la hâte du mouvement et ne savent plus écouter les bruissements du silence qui vibre de tant de phrasés et se coalitionne en ces degrés de conscience qui se voudraient se donner comme normalité la plus basse. Or, tant de crispations est le fait d’une réactivité qui révèle la peur. La peur est une peste qui se répand depuis les âges reculés de l’obscurité. Les gens ont peur de se connaître. Les gens ont peur d’entrer en leur caverne intérieure. De fait, il n’a jamais été de véritables ténèbres, mais une sorte d’opacité qui se voulait être simplement percée. Néanmoins, en une sorte de filigrane, il est cette simplicité qui se requiert : je suis toi, en un lieu et un espace, et je sais que c’est Toi qui te cherches selon les disponibilités de ton espace conscientisé. Je suis ton frère qui te voit et ne jamais te dénie car, en toi, une parcelle de « moi » voyage, jusqu’à ce que nos routes se croisent et que chacun, nous puissions enfin dire : Est-ce toi ? Toi en moi, et, moi en toi, en cette sérénité. La paix alors s’installe et chacun peut se regarder sans se sentir en danger. N’être plus qu’à se faire cette Révérence et s’encourager mutuellement. Car, il est un secret en ces parcours, et la conscience Unifiée sait Cela, et sourit au vent et à la lumière. Chacun, nous traçons une route qui est déjà tracée. Certains sont à mieux la voir. D’autres s’y apprêtent. Qu’importe, la main se tend et n’a que cette effusion qui se proclame : je suis là. Je suis là pour toi. Je suis là pour m’asseoir à la table et te dire : mon frère, nous sommes à nous sourire en ce seul espace qui nous comprend, sans heurt, sans vague, sans distinction, et pourtant reconnaissant la singularité de chacun. Une veuve pleurait longtemps son époux décédé. Son fils lui tenait tendrement la main. Il devenait son vrai parent de par le lien de l’esprit qui le liait à elle et caressait ainsi de sa présence les douleurs de sa mère éplorée. Lors, elle leva la tête vers son enfant, et, confuse, essuya ses larmes. « Viens mon fils, marchons. Sous les cerisiers, ton père nous tend ses bras d’amour. » Le petit garçon, qui chérissait ses deux parents avec une équité innée, lui répondit alors : « Mère, tu es aussi cet arbre dont ruissellent les fleurs ! »
© Océan sans rivage, La Voie du Samouraï
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire