Livre 43
Lors que nous sommes séparés, nous agissons au sein même de la division et de la laideur. S’éloignant de la lumière, l’être sera, tel un malfaiteur, à agir dans l’ombre sans jamais se soucier de l’autre, se réservant sa légitimité en son moi moi moi. Il n’aura pas de clairvoyance suffisante pour s’apercevoir que cela n’est qu’une image, une réelle idolâtrie qui vise uniquement à s’affirmer au détriment de l’autre. La vérité dérange et rend inconfortable le moi, jamais le Soi. La Lumière est L’Amour inconditionnel. Il ne dépend pas de la reconnaissance de l’autre. Or, le contraire de L’Amour n’est pas la haine, mais bien la laideur. Celle-ci se manifeste par une agitation et un trouble du comportement. Ce trouble terrible est une peur quasi invincible et qui n’a de cesse qu’en se transformant en différentes compulsions. C’est comme si mille êtres se disputaient le pouvoir et voulaient régner en maître. Comment cela se rend-il visible ? L’on est à tirer de son côté la seule brebis de tout un troupeau. L’on est à s’approprier un morcellement du Soi, à Le diviser en prétendant qu’il s’agit d’un Tout. Cela se nomme usurpation. Le monde aujourd’hui est en ce schéma de la domination et de l’appropriation. Les troubles les plus remarquables sont l'orgueil, la jalousie, le colportage, le dénigrement, la médisance et la calomnie. Quand l’homme n’obtient pas ce qu’il veut, il va développer moult stratégies pour ne pas s’avouer en lui la désunion de son être. Il crée alors des images, ses idoles, qu’il va cultiver et il pensera être en sa toute légitimité d’être. Il sera incapable de vivre le pouvoir sacré du discernement. Ses émotions le feront tanguer sans cesse. Il sera à s’accrocher à sa raison, rationalité qui le rassure. Celui qui ne peut sauter dans le vide n’est pas entré dans la foi. Il circule tout au plus à la périphérie de sa croyance. Un jour, une délégation étrangère vint visiter le monastère. Ils entrèrent dans le temple sans même ôter leurs chaussures, négligeant cet aspect des choses, ne l’ayant jamais vécu auparavant. Pour certains, ôter ses chaussures est quasi une humiliation. Mon vénéré maître ne leur fit aucune remarque. Ils restèrent dans la cour. On leur apporta des chaises. Ils commencèrent à parler. Longtemps. Mon maître avait baissé la tête et fermé les yeux. Ils les écouta sans jamais prendre la parole. On leur apporta des mets et on leur servit du thé. Ils étaient joyeux. Ils n’avaient aucunement remarqué le silence de notre maître. Quand ils prirent congé, celui-ci leur fit un grand sourire. Je les entendis dire : « Cet homme est commun, nous n’avons déceler en lui rien qui soit remarquable. Nous n’avons rien à lui envier. » Alors, je me retournai en colère vers mon maître. Mais celui-ci me surprit en disant : « Nous sommes le miroir des uns et des autres. La plupart des gens dressent des idoles sur leur autel égotique et brouillent ainsi leur regard. Ils se gargarisent de leurs dieux, alors qu’en fait, ils sont tout au plus à se gargariser d’eux-mêmes.
Être est un Art. Une véritable symphonie, une Orchestration qui se révèle sans que l’on puisse ni la réduire, ni maîtriser l’harmonie qui en découle, puisqu’elle ne dépend aucunement de notre opinion, ni de nos pensées, ni même de nos efforts personnels. Elle est L’Art Divin par excellence. Or, ce qui est de nature Divine relève des plans supérieurs de La Conscience. Nous ne l’approchons pas : c’est Elle qui s’approche de nous. C’est ainsi que nous pouvons La reconnaître, car c’est Elle qui nous enseigne. Beaucoup de gens peuvent être de bonnes personnes. En revanche, peu goûtent à la spiritualité. C’est ainsi. Depuis toujours, il est une poignée de gens qui s’extrait du commun pour avancer et vivre dans les saveurs subtiles de leur être, c’est-à-dire dans leur réalité divine. Néanmoins, jamais ils ne s’approprient ce qu’ils sont à découvrir. Bien au contraire. La Connaissance qui résulte de ces étapes leur donne à la fois cette lucidité et aussi cette vigilance. Les fruits du cheminement sont les fruits d’une germination spécifique. La Terre en laquelle la semence a germé, révèle, ou bien sa richesse, ou bien sa pauvreté. Ô fils aimé ! Observe les paysans. Ils ont ces sagesses ancestrales qui guident leurs gestes tout au long des saisons. Lors que la terre ne donne pas, ils reculent d’un pas et font une humble révérence. Un paysan qui se plaint est un paysan qui ne connaît pas sa terre et n’a pas su lire, dans son labour, les sillons de L’Intelligence. Il ne sait pas apprendre. Il ne sait pas respecter la vie et tous ses cycles. Il n’est pas en unité. Voilà pourquoi la hâte et l’appât du gain détruisent les gens de la terre. C’est L’Harmonie qui fait La Beauté. C’est L’Amour qui donne au temps Le Temps. C’est La Lumière qui donne au fruit tout son jus. Un paysan tomba amoureux d’une jeune princesse. Il ne fut plus jamais le même. Il se désola. Son malheur était immense. Tout le village était en émoi. On le plaignait, mais personne ne pouvait rien pour lui. Ce paysan s’enivrait pour oublier son infortune. « Que peut bien signifier l’avenir pour moi ? Cet amour me tient en la poigne de chaque instant. Que me vaut de tracer des sillons ? Je n’ai que deux pauvres mains pour labourer mon âme. Elles atteignent les endroits les plus improbables. Elles sont faites de flamme et de cuisson. » Pourtant, un jour, il décida de cultiver sa terre en vue d’en faire un jardin qu’il dédierait exclusivement à son amour. Il se mit à travailler sans plus faire autre chose. Tout son temps fut consacré à cette œuvre. Il dormait à peine les nuits qui le séparait de son Jardin.
© Océan sans rivage, La Voie du Samouraï
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