Le centre d'un cercle infini est en absolu partout.
Si nous concevons l'Univers comme une sphère infinie (et nous ne saurions l'imaginer autrement car la supposition d'une limite induirait immédiatement un au-delà de celle-ci), son centre est logiquement partout. Ainsi, où que je sois et aussi loin que je me déplacerais, fût-ce à des distances de milliards d'années-lumières, je demeure au centre.
C'est nécessairement ce centre qui marque le point alpha de l'Univers et non moins logiquement son point omega.
Si nous appliquons cette mathématique à l'éternité que nous imagions comme une droite infinie, nous en déduisons que chaque instant en marque le milieu absolu.
L'ici-et-maintenant procède de cette réalité en laquelle le Réel se manifeste.
C'est en ce point et en cet instant que s'établit l'état de présence.
Mais ni le point ni l'instant n'ont de mesure. Donc ils n'ont pas davantage de limite.
L'infinitude et l'infime représentent les deux pôles du Réel dont ils donnent toute l'embrasure de manifestation et donc l'omniprésence (d'où la formulation consacrée : Dieu - Alpha et Oméga - est Tout en tout.)
Le Réel se manifeste à travers la réalité et donne à tout existant (c'est-à-dire porté à l'existence ou au manifesté) son être.
Ce qui est ne peut pas cesser d'être. (Lanza del Vasto)
Le verbe être est issu de l'indo-européen -es et signifiait « se trouver », un sens à valeur fortement durative.
Le verbe trouver est lui-même issu du verbe « tordre », de l'indo-européen trekw, ayant donné, en grec, trepein (tourner) et tropê (évolution, changement).
Dans ce sens, être, c'est littéralement « se tourner » (vers le centre) pour se « trouver ».
Se trouver, c'est se réaliser, c'est-à-dire s'accorder au Réel* (trouver le juste accord). Notons que le verbe trouver avait dans son sens usuel d'origine (XIe s.) celui de « composer » (un air), d'où, également, le mot « trouvère » (compositeur).
La présence est donc un état d'ajustement sur l'axe des pôles du Réel et désigne ici une orientation de l'esprit. Nous
entendons le mot Réel en un sens très particulier, l'esprit totalement
décomplexé et libre de toute connotation (car telle est la lumière de la
langue des oiseaux pour qui a ouvert ses sens intérieurs) : Ré-El : «
Retour à Dieu », c'est-à-dire à l'Irréductible-en-Soi, à l'Au-delà de
tout, au Par-delà toute finitude, au Vivant et donc à la Vie elle-même.
Nous n'ignorons pas que le mot « Dieu » donne des boutons à certains esprits qui n'ont pas su s'affranchir de ses charges connotatives et réductrices (en lesquelles nous incluons l'anthropomorphisme), rejetant l'idée d'une antécédence au manifesté, d'un Principe causal, d'une Force créatrice mue par une intention originelle et un projet destinal.
Certes, ceux qui affirment que Dieu n'existe pas ont raison à leur insu, pourrait-on dire, puisque Dieu, quoique antécédent à toute réalité phénoménale, n'est pas « hors de » (ex-ester) - ce qui induirait l'idée de deux Réels - mais « en », c'est-à-dire au centre omniprésent du Réel, d'autant que les concepts d'intérieur et d'extérieur procèdent d'une vision dualiste et en soi absurde en ce qu'elle pose une frontière qui n'a aucune réalité puisque rien n'est chose-en-soi.
L'ici-et-maintenant est à la fois le champ et l'orientation de la présence dont nous avons montré qu'elle est retour à Dieu, c'est-à-dire la montée de la non-chose-en-soi vers la Chose-en-soi, non composite, non divisée, non mesurable, non relative, irréductible. C'est l'ascension de l'âme.
Le concept de l'ici-et-maintenant connaît des lectures multiples et se trouve largement galvaudé par des approches de nature essentiellement hédoniste, centrées sur le bien-être et l'épanouissement personnels, dans une acception, donc, purement existentielle, telles que les courants du New-age les ont développées, en rupture, bien souvent, avec les traditions spirituelles et sous la forme de syncrétismes, versions spiritualisantes du consumérisme, c'est-à-dire de la projection exclusive dans l'avoir et les apparences.
Ainsi, le carpe diem (cueille le jour) s'est-il réduit au « Jouis du moment présent. » (si possible sans entraves), tandis qu'il invite plutôt à se laisser pénétrer par la Lumière et à entrer dans l'alchimie intérieure, c'est-à-dire dans le processus de transformation de l'âme, à travers la forme. Forme véhiculaire et transitoire, discontinue, qu'elle doit dépasser (transcender) et dont elle ne se libère qu'en se projetant vers un Absolu irréductible, non pas par la conceptualisation mais par l'affranchissement de l'illusion, c'est-à-dire de l'identification à la forme, quel qu'en soit le plan (physique, émotionnel ou mental). Cette identification à la forme (qui appartient à la réalité) procède d'une désorientation de l'esprit sur l'axe des pôles.
Si rien n'est chose-en-soi en substance, il n'est rien qui ne soit Tout par essence. Dieu est l'Un, Unique et Même, non divisé en son omniprésence, irréductible en son infinitude, permanent en son éternité.
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