Chief Illiniwek, logo du club de lutte de l'Université de l'Illinois
Je vis les différences : tantôt elles étaient complémentaires entre
elles, de réalités convergentes, et tantôt elles étaient antinomiques,
comme d’essence dissemblable. Je compris qu’un isthme infranchissable
les séparaient. Le voyage au pays des limbes est terrible : y séjournent
des réalités en cours de transformation et parfois certaines hurlent à
la nuit de leur peine. L’on peut marcher durant des heures, et les
trottoirs ondoient d’horreur. Ce bitume est l’émanation même torride de
l’enfermement et les pas s’engluent, maussades des prises d’otages
depuis l’enfant. Celui-ci ne voit rien encore de cette sorte de
ténèbres ambulatoires sous les pieds mortifères. Non, il peut à peine
pressentir l’isolement des passants et s’il lui arrive de tendre la
main, les yeux s’enfuient sur les fantomatiques pas. L’Autre a peur.
Quelle est donc cette peur qui le poursuit ? Je ne comprends pas. Les
métros volent sur des rails poussiéreux et quelques gros rats, énormes
rats passent, impassibles. Une vague nauséeuse m’envahit, mais je me
raidis aussitôt. Je bloque ma respiration et reste ainsi en apnée durant
un laps de temps. Depuis longtemps, je sais que ce monde ploie
insidieusement sous la douleur que l’on étouffe à grands renforts de
subterfuges. Je connais à peine les Saintes Écritures. C’est dans un
carré du ciel que j’apprends. C’est aussi là que je vois passer les
oiseaux à tire d’ailes. Quelle invitation ! Combien de fois perçois-je
leur message et combien de fois m’envolé-je avec eux ! Comment résister à
L’Appel ? Ce sont les yeux qui m’ont appris beaucoup. Ils voyagent en
profondeur, même à notre insu. Ils captent le moindre petit mouvement.
Ils font parvenir au cœur toutes sortes d’informations. Tout cela est
relayé en un centre diffus, concentré, puis éclairé. Marcher, longtemps,
en ce Paris, les jambes lourdes des trottoirs sans fin. Quelques fois,
un arbre vous parle. Personne ne semble réaliser qu’il est là. Le mur
des façades est inexistant. Les yeux sont plongés dans les pensées, en
permanence, et personne ne prête aucunement attention à personne.
Qu’est-ce qu’une personne ? Je marche et je suis un indien, à la
peau-rouge avec des plumes sur la tête. Tout me dit des choses : ceux
qui grattent le ciel, les yeux aux fenêtres, les prisonniers sur les
façades, les fers entortillés autour des arbres, les images qui
flottent, ceux qui toussent sur les chemins noirs, les
pieds-qui-courent, les feux qui changent de couleur, les
visages-tristes, les visages-rêveurs, les visages-qui-coulent, les
lèvres peinturlurées, les « je-dois-passer-plus-vite-que-vous », les
parchemins égratignés, les paniers remplis, les ventres vides, les
sonnettes d’alarme, les couchés sur le sol, les assis sur les terrasses…
Il y a tellement de messages que je finis par m’accrocher à une petite
fontaine : de l’eau ! Quelqu’un me tapote doucement sur l’épaule. Je me
retourne : la fontaine ne fonctionne pas. Il n’y a plus d’eau. Alors, je ne peux m’empêcher de lui répondre en souriant : Si, il y en a encore beaucoup mais la fontaine est en nous.
Océan sans rivage
Se lit aussi sur La Profondeur
J'aime beaucoup votre blog. merci beaucoup.
RépondreSupprimerEt merci de votre présence, Michel.
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