Les thèses sur l'origine de l'univers ne manquent pas. Certaines sont convergentes, d'autres divergentes et parfois même antagonistes, tels le créationnisme et l'évolutionnisme.
Abstraction faite de la cause originelle et de la nature de celle-ci, il est un fait indéniable, quand même nous le qualifierions d'illusion, de rêve ou de toute autre façon : la réalité phénoménale. Et de ce fait seul nous naît une question, qui s'impose implicitement à toutes les thèses : pourquoi quelque chose plutôt que rien ?
C'est la question du Sens-en-Soi, qui naît de son évidence même car d'où, autrement, sortirait-elle ?
Comment la réalité phénoménale (ou la Création) en viendrait-elle à s'interroger sur elle-même ?
La conscience-flèche (Dürckheim) ou objectivante voudra trouver une réponse rationnelle à cette question. La conscience-coupe ou subjectivante (relative à un état de conscience et donc à son degré d'ouverture) laisse agir la question. C'est ce qu'illustre Confucius quand il dit : « Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions. »
S'interroger c'est marquer un arrêt au sein de l'ordre mouvant. C'est s'étonner et laisser agir cet étonnement.
C'est prendre du recul et donc se détacher de l'apparence, en même temps que prendre de la hauteur pour la dépasser. C'est ce que nous appelons « se mettre en équerre. » Et c'est à la croisée du mouvement horizontal et du mouvement vertical que se marque le point de basculement, à partir duquel s'ouvre une nouvelle perception de l'apparence : celle de sa substance. C'est aussi l'entrée dans la profondeur, avec cette même équerre qui va évoluer à des échelles différentes et sur des plans de plus en plus subtils. En quelque sorte, la croisée demeure car la question-noyau demeure.
L'apparence n'est qu'un degré de la substance et celle-ci un niveau plus profond d'apparence. Matière et esprit sont un. La profondeur de l'apparence se fait substance mais celle-ci n'est elle-même que l'apparence d'une substance plus profonde et ainsi de suite. Qu'y a-t-il au-delà ? L'Être, le Réel, Dieu, l'Incrée, le Non-Composé, ni apparence ni substance mais par quoi tout se manifeste (s'apparente) et s'intériorise (se substantifie).
Que la question de l'origine demeure posée est intrinsèque aux principes d'infinitude et d'éternité. Le Centre s'impose ainsi par contrainte logique. (Discontinuité et impermanence 5)
La Création est un fait constant car rien ne peut être et demeurer dans son êtreté sans l'Être-en-Soi. C'est le principe d'omnipotence, en ce Centre universel et éternel. Le Point de Permanence, pourrait-on également dire. Et ce Point non localisé est comme un vide dans un non-temps car Irréductible-en-Soi. Ce vide est parfois perçu comme « l'absence de Dieu », d'où l'affirmation de son inexistence. Sauf que l'absence de Dieu donne au manifesté son plein champ de déploiement, sans limite, sans finitude. Il est ainsi, par essence, consubstantiel à la réalité divine que nous nommons ici le Réel. Cette co-essence nous reporte à l'omniprésence de Dieu, d'où l'expression « vide de vide ». Tel est le paradoxe.
Le vide est souvent confondu avec le néant. Aussi use-t-on préférentiellement du terme de « vacuité », au sens que le manifesté (les phénomènes et leurs fonctions) est dénué d'existence propre, c'est-à-dire autonome et permanente.
Si Dieu s'absentait de sa Création, ne serait-ce qu'un instant, celle-ci serait instantanément anéantie et n'aurait même jamais été.
Si quelque chose retournait au néant, ce quelque chose en serait nécessairement issu, une supposition qui est une absurdité absolue car comment quelque chose sortirait de rien pour s'en retourner à rien. Quelle serait alors la nature de cet intervalle entre deux riens, capable de s'interroger lui-même, c'est-à-dire de se distancier de sa propre réalité ?
Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? C'est la question première et foncière, celle qui les précède et les contient toutes. Et quelle que soit la manière dont nous concevons le Principe Causal, c'est-à-dire le revêtement conceptuel que nous prêtons à l'Origine, cette question s'impose par inhérence. Plus que celle du sens, c'est la question du Sens-en-Soi.
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