Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

vendredi 18 décembre 2020

Contes des sept occidents


Blason de Nové Mesto (Slovaquie)


Le manoir

Pouvez-vous imaginer la vie comme une imagination ? Pouvez-vous voir la féerie comme la vie ? La vie est encore plus que Cela. Si l’on voit le monde avec les yeux d’un calculateur, alors voici que des calculs en tout genre se mettent en rang et viennent nous dispenser des leçons et des comptes et des comptes à n’en plus finir.

J’ai rencontré un homme qui vivait seul dans un manoir. Il passait tout son temps à compter les pièces de sa grande demeure. Il recommençait son manège, chaque matin. Il ouvrait toutes les pièces et entrait dans chacune d’entre elles avec un compteur. Et une, et deux, et trois… Il ne prenait jamais le temps de regarder les chambres. Il ne voyait absolument rien. Il était complétement obsédé par le fait de toutes les répertorier. La première fois que j’entrai dans son manoir, il ne prêta nullement attention à ma personne. J’aurais pu être un voleur, un criminel, il ne me voyait pas. Je le suivais alors à pas de loup. Moi-même, j’étais entraînée dans sa folie, fascinée par son étrange obsession. J’apercevais ici ou là des tentures de velours vert, des lits à baldaquins, des tapisseries médiévales. Je réussis à localiser la bibliothèque où une multitude de livres, depuis le plafond jusqu’au sol, s’empilaient. Néanmoins, je le suivais inéluctablement à son rythme. A la nuit tombée, il prenait un morceau de pain et un bol de soupe, qu’il préparait dans la nuit. Je dormais tout près de son lit. A l’aube, le manège reprenait. J’appris à regarder cet homme et à l’apprendre. Au début, je cherchais toujours à lui parler, mais jamais il ne daigna me répondre. Je sais qu’il avait décelé ma présence, car nous nous étions heurtés plus d’une fois, lors qu’il ressortait prestement d’une pièce. Je me mis à compter avec lui. Je me surpris à aimer cet homme. Alors, je le suivais partout. Il fallait nous voir courir dans tout le manoir, monter les escaliers avec un empressement défiant tout le bon sens, et entrer et sortir, à chaque fois. Je l’entendais compter et je répétais avec lui. Bientôt, je ne vis plus le manoir. Il s’était évanoui comme par enchantement. Je voyais cet homme. Je ne voyais plus que lui. Je me mis à compter son compte. J’entrai dans la féerie des chiffres. Chaque chiffre devenait un souffle et chaque souffle devenait une harmonie. Je mis à chanter les chiffres. Je me mis à danser les chiffres. Il y avait une magie que je ne m’expliquais pas. Cette fois-ci, l’homme s’arrêta et me fixa de ses petits yeux, tandis que je continuais le comptage. J’entrai ivre dans chacune des pièces et je les saluais parce qu’elles m’apparaissaient toutes si belles. L’homme finit par me suivre sans compter et je dansais dans tout le manoir et je riais. Cela dura plusieurs jours et c’est lui qui me prit par le bras pour m’arrêter. Alors, nous nous regardâmes enfin.

© Océan sans rivage

Conte des sept Occidents, le manoir

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire