Ma chère Mado, je
t'écris depuis la Gaule profonde où les esprits ne sont pas moins
arriérés qu'à Paris. L'avantage, c'est qu'ils sont tout simplement moins
nombreux. L'on y peut donc plus facilement s'atemporaliser. Si le
système * a mis son groin partout, il s'y montre néanmoins moins griffu
que dans ces zones de grande fébrilité que sont les villes pullulantes.
Beaucoup, d'ailleurs, s'ennuieraient à mourir dans ces régions reculées et c'est
plutôt tant mieux. Il ne manquerait plus qu'ils y prissent goût ! Aussi
n'en ferai-je pas trop l'éloge, pour des questions de préservation.
L'espèce humaine est de moins en moins fréquentable (si tant est qu'elle
l'ait jamais été) et vous pousserait, si l'on n'y prenait garde, à la
misanthropie la plus aiguë. Son côtoiement inévitable et minimal suffit
donc plus que largement.
* Tu veux te distinguer et sortir du système ?
On va s'occuper à t'en faire passer l'envie
Et bientôt te créer un sacré nœud de problèmes.
Il n'est pas question que d'un seul pouce tu dévies
Car s'il y a dérive, il faut qu'elle soit commune.
Par défaut, tu seras mis au ban des nations,
Jusqu'à être entre le marteau et l'enclume.
C'est ou la soumission ou la révolution,
Que nous savons fomenter, autant que la guerre.
Très vite, ta position deviendra si précaire
Que tu te rendras bientôt à notre raison.
Ce que nous pouvons faire, nous savons le défaire.
Nous ne servons qu'un seul monde : celui des affaires.
Alors, tais-toi et confine-toi dans ta maison !
Le Spectre à trois faces
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