Décryptage et Revalorisation de L'Art de L’Écu, de La Chevalerie et du Haut Langage Poétique en Héraldique. Courtoisie, Discipline, Raffinement de La Conscience, état de Vigilance et Intention d'Unicité en La Fraternité d'un Nouveau Monde !

lundi 7 août 2017

Les Allégories du Jardin - Le Zéphir


Blason de Větrušice (Tchéquie)

Apparu au XIIIe siècle, à l'époque du Roman de la Rose en France, Révélations des secrets des oiseaux et des fleurs constitue l'expression la plus élaborée de l'enseignement traditionnel soufi. Izzidin Al-Muqaddasi était un poète et homme de lettres d'origine arabe.


Introduction (extrait)

J’ai composé mon ouvrage pour expliquer les différentes allégories que les animaux, les végétaux, et même les corps inorganiques, ont offertes à mes méditations ; je redirai aussi ce que le merle solitaire m’a raconté, au sujet de son repos et de ses courses dans les champs. Puissent, dans cet écrit, les gens sensés et dociles trouver d’utiles leçons ; les gens profonds et réfléchis, le souvenir de leurs devoirs ; tous. enfin, des instructions salutaires ! Celui qui entrera dans l’esprit de mes sentences et qui comprendra mes paraboles, lira mon livre avec plaisir ; mais celui qui les trouvera étranges, ne saurait le goûter.

Je ne sais quelle pensée m’engagea un jour à aller contempler ce que les mains de l’Éternel ont produit, et ce que la Sagesse divine, qui atteint toujours le but qu’elle se propose, a créé dans une vue d’utilité. Je me rendis, à cet effet, dans un jardin spacieux : un tendre gazon, que courbait l’haleine frémissante du Zéphyr, en formait le tapis ; des odeurs balsamiques s’exhalaient du calice des fleurs ; les cimes touffues des arbres s’agitaient en murmurant; les rameaux se balançaient au souffle du vent printanier ; le rossignol gazouillait tendrement, soupirait des airs, balbutiait ses amours. Ici un ruisseau sillonnait la prairie, là une cascade se précipitait irrégulièrement ; plus loin, des fleurs fraîches et brillantes émaillaient la pelouse veloutée ; de toutes parts enfin, la vue se reposait sur des sites pittoresques et variés. Je me dis à cet aspect : peut-il y avoir un séjour plus délicieux et une solitude plus agréable ! Ah ! que n’ai-je un compagnon sincère et affectionné, avec qui je puisse m’entretenir familièrement ! Mais tout à coup, je crus distinguer ces paroles dans le langage muet et énigmatique de la nature : peux-tu trouver un ami meilleur que moi, et espères-tu entendre des réponses plus éloquentes que les miennes ! Il n’y a rien de ce qui est en ta présence qui ne s’exprime dans un langage figuré, rien dont la situation et la manière d’être n’annoncent la fin prochaine. Applique-toi donc à comprendre cette voix allégorique, si tu es capable de l’entendre.

Vois le Zéphyr du matin , dont le souffle exhale des émanations balsamiques qui s’élèvent dans l’atmosphère. Tantôt, comme l’amant qui a perdu l’objet de sa passion, il fait entendre des sons tristes et plaintifs; tantôt, comme celui qui retrouve une maîtresse adorée , il se charge de parfums exquis. Les nuées qui répandent leurs ondées rafraîchissantes; le roucoulement monotone de la colombe ; le frémissement de la branche qui la soutient ; le crépuscule de l’aube matinale ; la camomille, lorsque le nuage, chargé de l’éclair et de la foudre, vient agiter sa corolle ; le printemps, qui, accompagné de la rose son interprète, amène de si doux changements dans la nature; tout ce qui existe et qui est destiné a ton utilité , ô homme insensible aux grâces du Créateur! tout, oui tout célèbre les bienfaits de Dieu, confesse Son existence, Le remercie, Le bénit ; oui, de chaque chose, on peut tirer une preuve de son unité.

Allégorie première - Le  Zéphir


Mon attention fut d’abord éveillée par le gémissement du zéphyr, qui, voulant célébrer la langueur et la volupté de son souffle, semblait par ses soupirs emblématiques moduler ces paroles :

Fidèle messager des amants, je porte sur mes ailes les soupirs brûlants de celui qu’agite la maladie de l’amour, à l’objet qui peut seul remédier à ses maux. Je transmets avec exactitude les secrets que l’on me confie, et je redis les nouvelles telles que je les ai entendues. Si je rencontre un voyageur, mon haleine devient plus douce ; ce ne sont que cajoleries, que badinages, que jeux familiers. Je règle cependant ma conduite sur la sienne : s’il est bon, je le caresse d’un souffle voluptueux ; est-il méchant, au contraire, je le moleste de mon vent importun.

Mon haleine légère et odorante donne la santé à l’infirme, et rend paisible et agréable le sommeil du midi. Si mon frémissement agite le feuillage, celui qui aime ne peut retenir ses soupirs ; et il dit sa peine à l’oreille de sa maîtresse, si mon murmure se fait entendre. La douceur et la mollesse composent mon essence : celui qui jouit des faveurs de Dieu est le seul qui sache m’apprécier.

N’est-ce pas à mon souffle vivifiant que l’air doit la pureté dont il jouit ! Et ne t’imagine point que la mobilité que tu observes dans ma nature soit l'effet d'un vain caprice ; c'est pour ton utilité et ton avantage que mon haleine suit les saisons dans leurs variations diverses. Au printemps, je souffle du côté du nord, je fertilise les arbres, et je rends la nuit égale au jour. En été, mon souffle, parti de l’orient, favorise le développement des fruits et donne aux arbres le degré le plus parfait de leur beauté. En automne, je souffle du côté du midi ; alors tous les fruits acquièrent leur perfection et parviennent au dernier terme de leur maturité. En hiver enfin, je souffle des régions de l’occident ; et c’est ainsi que je soulage les arbres du poids de leurs fruits et que je fais sécher les feuilles sans altérer les branches.

C’est moi qui mûris les fruits, qui donne aux fleurs leur coloris brillant, aux ruisseaux leurs chaînes argentées ; c’est moi qui fais parvenir aux arbres le pollen qui les féconde ; à la maîtresse les soupirs du coeur qu’elle a enflammé ; et c’est encore mon haleine parfumée qui annonce au pèlerin de l’amour qu'il approche de la tente de sa bien-aimée.



Oh ! combien est doux ce que le Zéphir est venu rapporter à mon oreille de la beauté de ce site élevé ! Il s’est plu à répandre l’odeur balsamique dont il s’était chargé, et à m’enivrer de ce parfum délicieux. Lorsque les premiers soupirs de cet amour qui me consume s’échappèrent de mon sein, le Zéphyr semblait les seconder de son haleine mourante. La brise fraîche et embaumée du matin aurait du étancher la soif de ma passion ; mais ayant passé, durant la nuit, auprès de ces pavillons printaniers et de ces tertres élevés, et s’étant imprégnée des émanations musquées qui se répandent devant la tente de ma maîtresse, elle a rendu bien plus violent le feu de mon amour et de ma souffrance. Ivre de plaisir, je n’ai pu revenir à moi, ni rappeler mes esprits. Attentif à la voix du Zéphyr, j’ai compris le secret que mes rivaux n’ont pu deviner, et j’ai entendu ce qu’ils n’ont pas entendu. J’ai su que, dans un lieu où le vin excitait à la volupté la plus pure, mon amie adorée a laissé voir l'éclat de sa beauté, sans qu'aucun voile vînt dérober ses appâts, et a montré à ses amants fidèles ce visage ravissant, inaccessible pour l’ordinaire aux regards les plus avides.

Al-Muqaddasi

(traduction de Garcin du Tassy, Paris, Imprimerie Royale 1821)

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